« Mollement, un samedi matin » : un conte de la frustration algérienne

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Laëtitia Eïdo et Mehdi Ramdani en fâcheuse posture.

Un violeur qui bande mou, une bureaucratie éculée, un plombier mal embouché, une femme dégoutée : c’est le portrait de l’Algérie d’aujourd’hui par Sofia Djama, prix du premier court-métrage au Festival de Clermont-Ferrand.

A priori, il n’existe pas de tentative de viol qui tourne bien. Il y en a peut-être qui tournent court. Par exemple, Myassa (Laëtitia Eïdo, vue dans la série franco-geek Hero Corp), une jeune algéroise qui a commis l’erreur de sortir après la tombée de la nuit, échappe à un violeur « à gueule d’ange »  parce que celui-ci est incapable d’avoir une érection. Ce ne sera pas la première agression qu’elle va subir, ni la première débandade dont elle sera témoin. Elle voudra d’abord se laver de cette soirée, mais le robinet et la douche refusent obstinément de fonctionner – une fois de plus. Dès le lendemain matin, un samedi (l’équivalent du dimanche en Europe) elle se met à la recherche d’un plombier, mais celui de l’immeuble ne jure que par Dieu, et d’un policier pour recevoir sa plainte, mais celui-là est trop fataliste et fatigué. Elle voudrait aussi qu’on la respecte, mais les taxis et les garçons de la rue n’ont pas été éduqués pour ça. Agressions molles et répétées, qui à la fin d’une journée transforment l’envie de révolte et la colère en lassitude. Une lassitude qui peut transformer les victimes en bourreaux. Myassa, elle, a décidé qu’elle ne serait aucun des deux. Demain est un autre jour, paraît-il, pourtant on dirait que la société algérienne est impuissante à offrir ce jour nouveau, impuissante à l’offrir pas seulement aux femmes et aux jeunes, mais à tous ses citoyens, dont on dit qu’ils sont « pauvres à milliards ».  L’Algérie est une pétro-république dont les revenus faramineux sont proportionnels au désespoir de ses 37 millions d’habitants.

« Non seulement Dieu n’existe pas, mais allez trouver un plombier le dimanche » disait déjà Woody Allen. La réalisatrice et scénariste a choisi une manière plus provocatrice pour dire la frustration d’un peuple et d’une société « arrêtés », c’est à dire à la fois immobilisés et prisonniers. Les algériens sont coincés durement dans ce samedi matin depuis au moins 40 ans, mais gardent l’espoir de voir leur semaine commencer et que tout – la vie, l’amour, l’administration, l’économie, l’eau courante – se remette en mouvement. Tourné en juin 2011 à Alger, le court-métrage de Sofia Djama (lire notre entretien), coproduit par Arte, a déjà été récompensé deux fois, par le jury du Festival de Clermont-Ferrand et par la Société des Auteurs et Compositeurs d’Arts Dramatiques (SACD).

Mollement, un samedi matin, court-métrage de Sofia Djama, avec Laëtitia Eïdo, Mehdi Ramdani, Samir El Hakim, Yanis Koussim, France-Algérie, 2011.

A voir en VOD sur Arte.tv

Affiche-Mollement-finale


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6 réponses à “« Mollement, un samedi matin » : un conte de la frustration algérienne”

  1. Avatar de Sophie

    c est dommage que ça soit centré sur le viol,la réalisatice a peut etre voulu montrer la frustration des algeriens en particulier les jeunes dans leur comportement vis a vis des femmes j’aurai aimé voir les difficultés d’une femme qui vit seule ,chose encore tabou!
    ce court metrage souleve plusieurs problemes dans notre societé;
    bravo c’est osé: il faut faire bouger les mentalités!

  2. Avatar de sofia djama
    sofia djama

    Bonjour, non justement, il n’y a pas d’histoire de viol, enn tout cas comme vous l’entendez, le viol n’est^pas le propos du film, d autant plus que c’est un viol raté, puisque le jeune et beau violeur a eu une panne, et que la jeune et belle victime s’en rend compte car écrasé par tout un système, d échec en échec il ne sera même pas à la hauteur de la violence qu’il souhaite infliger, et à la limite il aurait voulu ne pas en arriver là. c’est une histoire d amour juste qu’elle part en free style, à cause d’un système,; c’est le viol de l algérie dont je parle, c’est le viol de sa jeunesse par un système, dont je fais état. c’est la dureté du système. c’est l’indolence de la société, c’est l écroulement de la ville, c’est de l absurdité de la vie. c’est de l oppression quotidienne que nous vivons chacun de nous, homme femme dans ce grand pays qu’est l’Algérie. c’est un film sur l écroulement et non pas sur le viol

  3. Avatar de Younes B.
    Younes B.

    Bonsoir, j’ai tardé à visionner ce court-métrage sur arte.tv, sera t-il bientôt rediffusé?

    1. Avatar de Rachid Ouadah
      Rachid Ouadah

      Bonjour M. B. Si vous êtes équipé d’une carte bleue ou disposez de celle de vos parents, vous pourrez regarder le court-métrage dans sa totalité sur le lien que je viens d’ajouter à la fin de l’article.

      http://www.artevod.com/mollement_un_samedi_matin

  4. Avatar de Elsa
    Elsa

    Je trouve ça bien la métaphore de la « panne »….Panne sexuelle, panne d’idées, panne de pain, panne d’essence…C’est excellent.C’est ce qui permet de désigner tout le peuple en apnée et pas seulement une femme ou des femmes!Cela permet d’éviter les amalgames avec tout mouvement féministe. J’espère en tout cas que ce ne sera pas récupéré par les féministes, cette approche est avant tout sociologique.

  5. Avatar de
    Anonyme

    Violence à l’égard des femmes ,La « loi » de l’omerta

    La violence verbale, physique, morale, les insultes et autres châtiments que font subir les hommes aux femmes à la maison, dans la rue et autres lieux publics sont des comportements tellement banalisés dans la société que rares sont celles qui osent se défendre et, surtout, porter plainte.

    http://www.algerie360.com/femmes/violence-a-l%E2%80%99egard-des-femmes-la-%C2%AB-loi-%C2%BB-de-l%E2%80%99omerta/