Un film d’action réaliste stigmatise une banlieue parisienne et confirme que « la plupart des dealers sont noirs ou arabes ».
Yanis (Sami Bouajila) et ses complices sont des braqueurs professionnels avec une éthique : ils ne tuent pas et ils aiment leurs femmes, leurs soeurs et leurs mamans. Tout se passe très bien dans ce meilleur des mondes jusqu’à ce que le petit frère fasse une connerie : revendre une arme qu’il aurait détruire après un braquage. Une bande de dealers va alors les forcer à travailler pour eux, au prix du sang.
Le réalisateur Julien Leclercq (Chrysalide) et ses scénaristes ont choisi une approche réaliste. Bouajila appuie son accent pour bien caractériser le côté bi-national de son personnage de « beur » et défend sa mère chérie, une comédienne à peine plus âgée que lui (WTF ?). Le rappeur Kaaris, connu pour la taille de ses pectoraux et ses photos torse nu (une manière sans doute de se distinguer de MC Jean Gab’1 ou de Booba, et surtout d’exposer à la face du monde son hétérosexualité irréprochable), s’invite dans le rôle du chef des dealers – noirs. La répartition ethnique des rôles est claire. Il y a quand même un blanc dont on se demande ce qu’il fait là, comme si ce pauvre français de souche (européenne) avait été contaminé par ces « bandes ethniques » ou recruté pour faire quota en plus d’artificier. Il est d’ailleurs puni avec l’arme préférée des noirs au cinéma : le viol (voire le film Black). En se la jouant réalisme pas poétique, Braqueurs stigmatise une partie de la population française et s’en prend aussi à une ville déjà malade de sa réputation : Sevran (Seine-Saint Denis), citée avec insistance avec la voix caverneuse mi-néanderthal mi-sapiens de Kaaris (qui se revendique originaire de Sevran, ndlr).
A la fois ghetto et pavillonnaire, cette commune située entre Roissy et le Bourget n’a plus jamais décollé du cœur des français le jour où son maire socialiste, Stéphane Gatignon, a demandé l’intervention de l’armée contre la délinquance. Coup médiatique dénoncé par ses opposants (concurrents serait un terme plus juste), coup d’épée dans l’eau. La ville de Sevran apparaît aussi dans une enquête de la chaîne M6 parue en septembre 2016 comme un fief de l’islamisme radical. Saint-Denis, Aubervilliers, Aulnay ou Sevran, le scénario se répète : ni l’opinion publique ni les politiciens qui veulent prendre opportunément le contrôle de ces villes à chaque élection, n’acceptent qu’on braque de cette manière les projecteurs sur les territoires paupérisés de la République. Pour ne pas les stigmatiser soi-disant.
Mais ce qu’on ne peut pas et ne doit pas dire dans le réel, la fiction se le permet. Encore une fois, un discours inacceptable dans la bouche d’un Eric Zemmour (« la plupart des dealers sont noirs ou arabes ») ou d’un(e) Le Pen prend ici la forme d’un film de divertissement sans complexes dont la promo a été faite un peu partout en région parisienne lors de sa sortie, et en particulier en affichage sur le réseau ferré qui irrigue ces communes. Cette liberté de ton et de contenu qui frôle la diffamation et le racisme est propre à la fiction. Déjà dans La vérité si je mens ou Coco, les auteurs s’en sont donnés à cœur joie dans les clichés les plus antisémites sous prétexte d’humour. La fiction française distribue donc la radinerie et l’argent aux juifs, le banditisme et les kalashs aux arabes, et tout en bas de l’échelle sociale, la drogue et les grognements aux noirs. Mais que reste-il aux blancs non-juifs, non-arabes et non-africains ? Tout le reste, notamment les fonctions intellectuelles. Comme par exemple ce rôle d’avocat véreux appelé en dernier recours pour sauver la bande à Bouajila. Acculés, laissant derrière eux des cadavres de lascars tombés pour protéger la mama du héros (parce qu’une mère on en a qu’une mais des potes tellement plus qu’on peut en sacrifier quelques-uns), les braqueurs survivants fuient dans un pays où la loi est moins regardante sur le meurtre et l’extradition : le fabuleux royaume du Maroc, qui sera la dernière image du film. Braqueurs arabes, dealers noirs, immigration, re-migration, Sevran, banlieue, kalachnikovs, Maghreb sont les mots-clés de ce film de voyous où réalisme et racisme se disputent la vedette.
Braqueurs. Réalisation : Julien Leclercq. Scénario : Simon Moutaïrou, Jérôme Pierrat, Julien Leclercq. Interprétation : Sami Bouajila, Guillaume Gouix, Youssef Hajdi. Photographie : Philippe Lozano. Montage : Mickael Dumontier. Musique : Jean-Jacques Hertz, François Roy. France, 2015. Sortie française : le 4 mai 2016.