Trois chaînes Youtube s’amusent à démonter le cinéma d’Hollywood en appuyant sur ses deux plus grandes faiblesses : le scénario et le scénario.
Elles ne datent pas d’hier mais n’ont pas encore fait d’émules en France à part peut-être Faux Raccord du groupe Allô Ciné (et dont le seul visionnage d’une minute nous en a vacciné). En 2012, deux geeks lancent Honest Trailers ou Bandes annonces honnêtes. Leur première cible : La Menace fantôme, l’étron cinématographique de Lucas sorti en 1999. Facile de tirer sur une ambulance, le succès de leur vidéo est immédiat. Le webzine Screen Junkies qui produit ces bandes-annonces honnêtes ne démérite pas depuis, en dépassant régulièrement les millions de vues sur YouTube (un milliard depuis la création de la chaîne). L’exercice semble, à priori facile, car au fil des années, les « trailers » (et leurs innombrables teasers) des films nord-américains, ont décliné en qualité, notamment par leur uniformité et à cause de leurs spoilers (révélation d’éléments clés de l’intrigue). Il est devenu très facile de trouver dans la tête de l’industrie hollywoodienne des poux sur les bandes-promos des grands films même, mais il faut encore que ce soit fait avec drôlerie. C’est le cas ici.
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Everything Wrong With (EWW) de Cinema Sins : Tout ce qui ne va pas avec… les blockbusters à nouveau. Et il y a tellement de choses à dire sur cette culture pop-corn, grasse, sucrée, hégémonique. Les critiques s’allongent en plusieurs séquences lorsque le sujet l’exige, et s’achèvent sur une note et un verdict toujours drôles comme la castration robotique bien méritée pour Transformers de Michael Bay. Un véritable risque quand on connaît le temps d’attention moyen de l’internaute évalué entre 23 secondes et une minute. Et pourtant ça marche. Toujours avec humour, les auteurs pointent toutes les erreurs de scénario (ou facilités, clichés et deus/diabolicus ex-machina), erreurs techniques, politiques (ils adorent dénoncer le racisme endémique du cinéma blanc-américain) et la foule de clichés dont on gave le public. La totalité du film est passé au crible jusqu’aux génériques. Une remarque qualifie certaines scènes d’un « gros doigt au public » pour lui faire croire que telle action est possible. N’évoquons même pas la sexualité implicite, doublée d’inceste, du Roi Lion. Notons que la suprématie commerciale de ces films est allée croissante avec la sophistication de leur aspect visuel. On a tendance d’ailleurs à retrouve sur EWW les grands blockbusters de Marvel, Disney, et Pixar, c’est à dire la moitié du marché de l’imaginaire mondial. Et ce petit côté pathologique : Cinema Sins est capable de consacrer de virulents débats filmés de plus d’une heure, entre trois ou quatre blogueurs quadragénaires sur des sujets genre « La bande-annonce Batman vs Superman est elle-bien ou pas ?« .
How It Should Have Ended ou Comment ça aurait du se finir est la plus complexe des trois chaînes, en termes de réalisation, car elle fait appel à l’animation et à des scénarios plus originaux. Et des voix, très travaillées, souvent proches des acteurs imités. L’idée est aussi simple : la plupart des films (de genre, toujours, encore eux – car qui va espérer faire 500 000 milles vues sur Comment Mommy de Xaver Dolan aurait du se finir) tournent sur des intrigues tellement simples qu’elles pourraient être résolues en quinze minutes plutôt qu’une heure et demi. Parce que les héros font des choix stupides, ou que les événements provoqués ne peuvent qu’aboutir à une fin abrupte, et stupide. Ou juste logique. Du coup, les histoires divergent en parodies savoureuses. Cette année 2015, la chaîne a ajouté de nouveaux programmes et une nouvelle direction artistique qui dénature quelque peu l’esprit quasi-amateur des débuts.
Le point commun de ces trois chaînes, c’est l’humour. Et la critique. A travers ces vidéos plus matures qu’elles ne paraissent, on « assiste à l’émergence d’une nouvelle forme de critique » (fermez les guillemets avec des pincettes), loin d’être conne, et aussi loin d’être intellectualisante. Elle est à mille lieux des sacro-saints Cahiers du Cinéma et Positif en passant par les émissions de promotion des grandes chaînes de télé nationales, ou des mastodontes publi-rédactionnels (papier) internationaux comme Première et leurs avatars sur le web. Nous sommes pourtant bien en face d’une description par l’ironie de la chute historique de la qualité du contenu du cinéma de genre américain. Derrière ces réalisations, il y a de véritables cinéphages et cinéphiles capables d’apprécier les qualités de ces produits culturels.