O’Dessa : et avec sa guitare à la main

O’Dessa mélange la science-fiction, la fantasy et l’opéra rock. C’est beaucoup trop pour la critique qui a éreinté ce film pourtant frais et stylé.

Dans un futur post-apocalyptique, le plazma pollue l’environnement, les corps et les esprits. O’Dessa Galloway vit isolée à la campagne avec sa mère mourante pour dernière compagnie. Elle hérite d’une guitare quasi-magique et du titre de dernière des troubadours : cette confrérie disparue avec son père-météore avait le pouvoir de guérir les maux du monde par la musique. Son exode rural la mène à Satylite City, une Babylone sous la coupe d’un tyran producteur, animateur et chanteur de télévision : Plutonovitch. Il règne sur la ville grâce à son émission, un télé-crochet où il est le seul juge, qui captive une population défoncée au plazma. Après avoir été éjectée fissa d’une audition, O’Dessa fait la connaissance d’Euri. Un jeune éphèbe, lui aussi il chante, sur une scène. Et il vend son corps pour le compte d’une maquerelle sadique et sans sourcils, Neon Dion. Une chanson d’O’Dessa le projette dans le cœur de la jeune femme qui tombe amoureuse à son tour. Quand les forces du mal séparent les deux amants, O’Dessa va devoir aller le chercher dans l’antre de Plutonovitch… En fait, O’Dessa est une relecture du mythe d’Orphée. Qui n’est pas si connu que ça. Le refrain : un poète musicien descend aux enfers pour ramener sa bien-aimée dans le monde des vivants. Le film inverse les genres. C’est une femme qui va libérer un damoiseau en détresse. Euri (comme Eurydice) apparaît deux fois le visage dissimulé derrière un voile qui lui confère une certaine féminité. Il est aussi une réminiscence du cliché de la « prostituée au cœur d’or ». Tandis qu’O’Dessa se soustrait de sa féminité en se coupant les cheveux à la garçonne avant de partir à l’aventure. J’appelle ça « le monde d’aujourd’hui », d’autres utiliseront le mot « wokisme ».

Geremy Jasper a écrit et réalisé O’Dessa, et il est aussi auteur des musiques et des chansons (avec Jason Binnick). C’est extra pour un second film et aussi parce que c’est rare de trouver un scénariste, un réalisateur, un parolier et un musicien dans un seul et même corps. Jasper est un inconnu pour moi, comme toute son équipe artistique. La nana qui joue Dion c’est Regina Hall. Elle est à fond. O’Dessa est jouée et chantée par une jeune actrice connue pour un rôle dans la série de science-fiction la plus surcotée des 20 dernières années après Heroes : Stranger Things. Sa spontanéité, son dévouement au personnage sont extraordinaires. Elle s’appelle Sadie Sink. The Guardian ne partage pas mon opinion. Son journaliste parle de « maladresse« , et d’une « route cahoteuse (rocky) vers nulle part« . En fait, O’Dessa n’entre pas dans les cases de la science-fiction, du fantastique, de la satire, du mythe et de l’opéra rock. Il est tout ça et plus. Il partage un petit défaut de rien du tout avec les gros films américains annoncés pour les prochains mois : il est basé sur une histoire préexistante, le mythe d’Orphée, qui n’est pas à proprement parler du matériel de blockbuster sauf si Zack Snyder s’y attaque. Tandis que l’industrie mise sur des récits et des personnages déjà connus du public, libres de droits ou qui ont fait preuve de leur rentabilité. On aura donc droit en 2025 à un Frankenstein (Del Toro), un Dracula (Besson), une série Alien, une série Predator, un Superman de trilogie, un Jurassic Park (Jurassic World), un reboot des Quatre Fantastiques, Megan 2, un film d’exorcisme, Now you see me 2, Conjuring encore, Tron 3, Avatar 3… Mais alors, The Guardian. Je ne vais pas te laisser dire qu’O’Dessa ne va nulle part. O’Dessa est un film qui va ailleurs et au-delà. Enfin.

O’Dessa. Scénario et réalisation : Geremy Jasper. Etats-Unis, 2025.