Si les séries nord-américaines ont façonné nos goûts et nos attentes dans les années 90, elles sont aussi capables de décevoir dans les années 2010.
Finissons notre tour d’horizon des séries qui devraient porter le nom de « B », selon le spectateur d’un certain goût.
AHS 5 : american erreur story
La saison 5 d’American Horror Story marque le début du déclin de cette anthologie d’horreur qui nous avait emballé malgré sa tendance à vouloir choquer le bourgeois. Dès le premier épisode, les scènes de sexe et meurtre se succèdent, sans queue, ni tête. Il faut attendre le quatrième épisode pour comprendre que l’hôtel Cortez est un purgatoire ou se croisent âmes damnées, perdues et tueurs du sérail. Comme Lady Gaga, prétextant de jouer une vampire, en profite pour défiler dans ses tenues et coiffures un peu moins extravagagantes que son personnage usuel. Hélas, on voit aussi parfois son cul : ça c’est vraiment horrible. Ses frasques et les partouzes de l’hôtel ont vraiment du mal à masquer le manque de cohérence de l’ensemble et surtout l’absence remarquable de Jessica Lange, actrice tutélaire du spectacle pendant trois saisons. Tant mieux pour elle. Notre correspondant en Californie, s’est presque étouffé de rire en apprenant la victoire de Gaga au Golden Globes Awards (ce mois de janvier), récompensée pour sa prestation dans AHS 5. Il n’en revenant pas.
The Brink : la troisième guerre mondiale par les nuls
La satire politique a donné au cinéma américain quelques unes de ses meilleures pièces comme Wag The Dog (Des hommes d’influence, Barry Levinson, 1997). The Brink s’annonce intéressant sur le papier ne serait-ce que par son casting. Or, Tim Robbins patauge dans son rôle de politicien obsédé sexuel, et Jack Black se répète en Jack Black cette fois dans la peau d’un agent de terrain légèrement raciste. Et il y a ce troisième larron, un pilote de l’Air Force con comme un aileron, et son second : Laurel et Hardy dans un avion de combat. Assurément, les auteurs ont confondu satire et grossièreté, et desservent des acteurs qu’on a connu dans des jours meilleurs. La série est déjà à sa deuxième saison, preuve qu’elle a tout de même trouvé son public, sans doute au sein de l’électorat potentiel de Donald Trump, mais pas chez les connaisseurs de Dr Folamour dont The Brink est déjà une caricature.
Heroes reborn : borgnes again
Une génération est passée depuis le début de la série Heroes, morte à force de multiplier les liens familiaux, les sous-intrigues et les sauts dans le temps. Les personnages phares n’ont pas renouvelé leurs CDD. Puisque personne ne se souvient des deux dernières saisons diffusées en février 2010 aux Etats-Unis, les scénaristes ont posé les bases d’une histoire nouvelle ou presque si seulement elle n’était pas déjà exploitée au cinéma dans la série des X-Men du showrunner de cinéma Kevin Singer. Au moment où l’humanité et les « évos » (les mutants) décident de vivre ensemble pacifiquement, une force obscure produit une sorte de 11 septembre qui change la donne. S’ensuivent effacements de mémoire, voyages dans le temps et dans le numérique, chasse au mutant et retrouvailles entre anciens acteurs de la série – les moins chers. S’ensuivent effacements de mémoire, voyages dans le temps et dans le numérique et grand complot. S’ensuivent effacements de mémoire, voyages dans le temps et dans le numérique et grand complot. S’ensuivent effacements de mémoire, voyages dans le temps et dans le numérique et grand complot. Fiez-vous aux couleurs criardes de la campagne de com’ pour vous convaincre que la renaissance de ces heroes est plutôt une mort-naissance.
The Last Man On Earth : presque le dernier sur terre
C’est sans doute sur cette série qu’on peut le plus voir l’influence néfaste de Judd Apatow sur la comédie américaine. Un cataclysme a laissé une Californie en parfait état matériel (véhicules, maisons, piscines), mais a tué tous ses habitants, sauf le dernier homme. Qui n’est pas le dernier puisqu’il rencontre une caricature de femme (laide et maternante) qui va tout faire pour essayer d’en faire un individu normal, le genre qui ne laisse pas traîner ses chaussettes. Evidemment, dans leur projet ils vont rencontrer d’autres survivants. Encore une fois, la grossièreté l’emporte sur la satire, du moins en première saison. C’est donc une question de goût ou de dégoût pour ceux qui veulent poursuivre l’aventure en seconde période. De toutes les séries qu’on a ingurgité cette année, celle-ci est possède un concept plus poussé.
Marvel Agents Of Shield : produit dérivant
Le casting des long-métrages de Marvel étant trop cher, ils nous revendent à bas prix des personnages tierces pour en faire une série. C’est la première impression qui frappe au visionnage du pilote. Ensuite, ces personnages secondaires arrivent à devenir primo-importants pour le spectateur. Par l’habitude, mais aussi parce qu’on y croit, sauf à cette gamine qui dans la seconde saison devient elle-même une super-héroïne (on en déduit qu’elle est à l’image du cœur de cible : des jeunes gens). On pardonne presque cette apologie des services secrets américains période Bush JR (ou Allende, ou Hoover). Mais on ne pardonne pas la dispersion de certains personnages alors que d’autres se transforment de manière intéressante. Même si le public est jeune, il faut avouer que nous n’avons là qu’une version actualisé d’un soap opera sur fond d’espionnage et de mutations génétiques. La cerise sur le gâteau c’est que, ici, comme dans X-Men ou Heroes, les mutants posent le même problème de gestion de population : quand y’en a un ou deux ça va, c’est quand ils sont plusieurs que ça pose des problèmes. Le Daech de la série s’appelle Hydra, un mélange entre le 3e Reich, d’ex-Union Soviétique et d’un je-ne-sais-quoi d’extra-dimensionnel. Tout ce marshmallow est censé communiquer avec un ensemble appelé le Marvel-verse (l’univers marvel). Pour fans, et encore, peu exigeants.
Supers-héros : tir groupé
Pour des adolescents et ce qui leur survit, The Flash est la meilleure série même si on peut lui trouver des défauts. Elle arrive à faire un lien subtil avec celle diffusée dans les années 90, tout en piochant dans les nombreux scénarios écrits pour la bande-dessinée du même nom qui apparemment s’adresse à plusieurs générations. De même, on est prêt à accepter la première saison de The Arrow, sorte de sous-Batman qui se bat avec des flèches (au 21e siècle, dans une grande métropole), avant que l’histoire multiplie les super-ennemis et les super-amis. Le pire se produit dans les crossovers : ces épisodes où les deux séries cohabitent. Imaginer un crossover Jean-Valjean-Pierrot le fou, pourquoi pas. Bon, mais là on parle séries commerciales, et c’est juste l’homme le plus rapide du monde qui va croiser un archer très doué pour essayer de maximiser l’audience. Malgré l’échec narratif et commercial, la production s’est lancé dans une série commune dont on n’arrive pas à se rappeler du nom, ni même si elle est une marque D.C. ou Marvel. Ces produits sont faits pour les fans et ils répètent donc les mêmes schémas : le héros en apprentissage, assisté par deux geeks, des super-vilains génériques, une némésis et des problèmes de couple et de famille. Ce sont des séries pour adolescents, ou pour futurs vieux.
Supergirl : tu seras peut-être une femme, ma fille
Echec en BD, échec au cinéma (Jeannot Szwarc, 1984), la marque Supergirl ne pouvait que profiter de la puissance commerciale et mâle de la marque Superman actuelle pour se relancer vers un public cette fois de collégiennes. Clarka Kenta, appelons-la ainsi, débarque en stage dans un grand journal métropolitain qu’on appellera Le New York Times (ou un truc dans le genre). A cause d’une faille temporelle, elle arrive ado, alors que son cousin, Kal-El alias Clark Kent, est déjà un héros adulte sur Terre. Son principal ennemi, c’est sa patronne, l’avocate qui jouait Ally McBeal (Allista Flockart). Le genre de femme autoritaire qui ne se laisse pas vieillir, mais qui, on le devine, a un coeur tendre (elle souffre elle-même d’une mère autoritaire qui ne veut pas vieillir – le tout convergeant vers la construction du personnage de Clarka Kenta). Sinon, très classique : Supergirl est très jolie, et elle est assistée par des geeks et une agence gouvernementale pour l’aider à devenir une héroïne adulte contre des méchants sortis opportunément de son ex-monde extraterrestre, donc de seconde zone. Rien de plus qu’une variation du thème de la jeune femme de province qui essaie de s’intégrer à un milieu urbain. Seule innovation : un personnage traditionnellement rouquin dans la « mythologie » Superman, Jimmy Olsen, est Noir – histoire de lui laisser un handicap quand même – lol ?
Ne perdons pas de temps : passons très vite sur Minority Report (adapté du film de Spielberg) dont le premier épisode consacré à une attaque par pigeon nous a bluffé, et une ou deux autres séries oubliées. Ha, si, ça nous revient. Il s’agit de Limitless, adapté du long-métrage du même nom avec un Bradley Cooper qui fait coucou dans le premier épisode pour valider le concept. Cette impression de produit dérivé persiste hélas, alors on a abandonné le visionnage. Et enfin, il y a Legends of Tomorrow qui fait peut-être pire, en recyclant des super-héros secondaires issus des univers des séries Arrow et Flash, menés par un « maître du temps » qu’on croirait sorti de Dr Who (LA série britannique qu’il faudrait voir mais qu’aucun français n’a vraiment envie de suivre tellement elle est britannique). On dit « peut-être » parce que les goûts et les couleurs se discutent difficilement, et parce qu’on a vu, par exemple avec Gotham, que l’écriture d’une série peut évoluer d’un épisode à un autre. Et sans oublier, mais en l’oubliant quand même : Fear the Walking Dead qui dérive de The Walking Dead. Ces spinoffs sont devenus un filon pour essorer une série jusqu’au bout. Passés les trois premiers épisodes qui montrent l’apocalypse qui nous manquait dans la série « culte », on passe.
Nos goûts de geeks nous ont orienté. Aussi, il nous manque un tas de séries dramatiques ou comiques don Empire, Louie, Homeland, Better Call Saul, Daredevil S2, Jessica Jones, Sense8, The Man in The High Castle, etc. Il nous manque surtout du temps pour visionner cette masse de fictions sans y sacrifier nos vies réelles. D’autre part, il y a bien quelques autres pays qui produisent eux-aussi de la qualité (et du très mauvais, c’est humain). Peut-être la France ? Un showrunner américain Frank Spotnitz a fait sensation en ouvrant un bureau parisien en décembre. Sa particularité serait de produire plutôt pour Amazon que France 2. Si les créateurs français ou les créateurs en France s’affranchissent de leur dépendance aux chaînes de télévision, ce n’est plus une révolution industrielle qu’on peut attendre, mais celle de l’auteur/showrunner. Le marché est bousculé par de nouveaux entrants. Faudra voir ce qu’il va en sortir.
Commentaires
Une réponse à “Des séries américaines de série B (2/2)”
la série de louis CK (le comique) s’appelle Louie (et c’est une excellente série pour « homme mature »). 5 belles saisons.