Spectateurs, spectatrices, on vous ment bien profond
On 23 octobre 2015 by rachidouadahPoster de faux commentaires, infiltrer, et manipuler, c’est le job d’une agence spécialisée dans la gestion de communautés d’amateurs de séries, mais pas seulement.
Voilà un moment que nous avions l’information sous le coude et à dire vrai, nous ne savions comment la traiter. Puis cette semaine a émergé ce que même Télérama appelle « l’affaire Aladin« . Pour la sortie d’une énième médiocre comédie française, le site-annuaire Allociné est accusé d’avoir favorisé les avis positifs, faussant de facto une réputation pourtant déjà désastreuse. Et le journaliste de préciser que seuls les naïfs ignorent cette pratique.
Alors justement, il y a un plus d’un an, un de nos correspondants nous a envoyé une drôle d’offre d’emploi postée sur le site Indeed et que nous reproduisons ci-dessus telle quelle, à un détail près. L’objet, la formulation de l’annonce et même la rémunération, tout nous a fait sursauter. En résumé, une agence de gestion de troupeaux d’internautes propose pour une rémunération digne d’une usine textile indienne d’infiltrer des communautés de fans de séries et de « l’univers audiovisuel » afin de brouiller leur jugement à force de faux commentaires postés depuis « une trentaine de faux profils lambda« . Comment ça se passe exactement ? La mission demande « de poster des messages préalablement rédigés sur les discussions concernées après validation de notre part« . On aime bien la suite : « il s’agit donc d’un travail de recherche et rédaction, qui nécessite organisation et esprit de synthèse et *disponibilité tous les matins*« . Le tout est appelé « infiltration communautaire« .
Braquo saison 4 ou Sarkozy
L’Etat tente timidement de juguler cette pratique courante dans le web marchand, incitant l’internaute à la vigilance et à se fier au certificat AFNOR. On n’évoquera même pas la notion de morale dans cette affaire, ni les répercussions sur les analyses que feront nos descendants de notre littérature électronique (soit : comme fausser des hiéroglyphes ou un calendrier maya annonçant la fin du monde). Mais il y a une chute à cette mauvaise blague. Si nous avons mis de côté cette preuve à charge contre des menteurs professionnels, c’est par prudence. Nous n’avons pas l’infrastructure nécessaire pour supporter un procès en diffamation – car dans ce genre de cas c’est le criminel qui est dans son droit. Et puis nous n’avions pas envie de faire du mal à une entreprise faite d’hommes et de femmes. Alors sur l’annonce reproduite ici-même nous avons masqué le nom de l’agence. Nous avons renoncé à interroger les responsables, ils ont déjà des grands boulevards d’expression partout ailleurs. Après tout, naïveté mise à part, ce ne sont que des commentaires sur des séries et des films, pas de quoi fouetter un tchat. Justement, si. Cette société se trouve être prestataire de services, la « modération et la gestion des communautés intéractives (sic) », pour Le Parisien, TF1, Libération, Europe1, Le JDD, 20 Minutes, Radio France, etc. On trouve sur le net une interview de son patron où il affiche sa profession de foi : modérer (supprimer) les propos haineux, racistes et « les boules puantes« . Certification AFNOR à l’appui… Le niveau d’éthique n’étant pas très élevé dans le milieu de la communication et apparemment, encore moins dans celui de la modération de contenus, on peut raisonnablement croire que cette société applique les mêmes techniques « d’infiltration » dans une discussion sur le mariage gay ou l’image de l’ancien président Sarkozy, que dans celles concernant la quatrième saison de Braquo ou la dernière comédie de Dany Boon.
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