TCM Cinéma consacre une rétrospective à l’auteur, acteur, metteur-en-scène en célébration du centenaire de sa naissance.
Que peut-on dire de plus qui n’a pas été déjà dit sur Orson Welles ? Il y a toujours quelque chose à raconter sur des personnages aussi grands. Et on apprend tous les jours. Les réalisatrices Clara et Julia Kuperberg entreprennent de nous apprendre quelque chose de nouveau dans This is Orson Welles, documentaire inédit en complément à une rétrospective sur la chaîne privée TCM Cinéma. L’exercice est difficile mais il est réussi. On entre dans la vie de Welles par les témoignages de personnes l’ayant connu de son vivant, notamment sa fille Chris Welles. Martin Scorsese également, nous honore de sa présence et de son analyse du parcours de son prédécesseur et inspirateur. Le ton est à la nostalgie un peu, à la tragédie beaucoup.
Comme les mutants dans les films de super-héros, les génies doivent trouver leurs contemporains particulièrement idiots, ou lents. Éventuellement attendrissants. Ce qui explique en partie, peut-être, comment un Orson Welles âgé seulement de 23 ans a réussi à duper quelques milliers d’auditeurs d’une radio locale américaine, leur faisant croise à une invasion extraterrestre. Tout le monde connaît la légende de la Guerre des mondes (1938). Ce qu’on sait moins, c’est que deux ans auparavant il monte une version « haïtienne » de Macbeth avec une troupe de comédiens Noirs. En 1946, les écrans américains diffusent Le Criminel, le premier film de fiction à utiliser des images des camps de concentration nazis, où il joue lui-même le criminel éponyme. Dérangeant.
Au faîte de sa gloire, Welles est fauché par la jalousie et l’incompréhension qu’éprouvent les cadres de l’industrie du film, ses propres pairs et parfois même le public face à son travail, sa personnalité, et son talent. Il doit s’endetter pour finir ses films. Le documentaire nous montre aussi une autre facette de Welles plus intime, le père, le compagnon de Rita Hayworth (à croire que les légendes vivantes ne peuvent vivent qu’ensemble, sans pouvoir jamais vraiment être ensemble). Il est intéressant alors d’entendre de la bouche de sa fille, aujourd’hui septuagénaire, comment Welles l’a sciemment écartée des plateaux de tournage. Est-ce parce qu’il voulait lui éviter de vivre le même enfer que lui ? La phrase forte mise en exergue par la bande-annonce de This is Orson Welles annonce que le cinéma « c’est 2% de création, 98% de prostitution« . L’histoire commence avec un jeune homme au regard lumineux et se termine sur l’image de ce qui est donc littéralement une « vieille pute » fatiguée mais au regard encore malicieux. Il est dit qu’à la fin de sa vie il était tellement gros qu’il pouvait travailler avec sa machine-à-écrire sur le ventre. Trop de combat contre les producteurs, trop de prostitution, de compromis, de déceptions. Et pourtant son oeuvre et sa vie sont jalonnés de grand moments et surtout de grands films, que TCM Cinéma diffuse tout au long du mois de mai. On re-visitera avec plaisir Citizen Kane, La splendeur des Amberson, ou La soif du mal dans leurs versions restaurées. Entre deux longs métrages, on pourra voir des courts et des document inédits. On se prend à rêver de ce qu’aurait accompli Welles s’il avait consacré seulement 2% à la compromission et 98% de ses efforts à la création.
This is Orson Welles de Clara et Julia Kuperberg, avec Orson Welles, Chris Welles, Martin Scorsese, Peter Bogdanovitch. France, 2015. Première diffusion : 24 mai 2015 sur TCM Cinéma/Canalsat .
« This is Orson Welles sera projeté en avant-première au Festival de Cannes et sera diffusé, en exclusivité sur l’antenne de TCM Cinéma, le jeudi 21 mai à 19.45 dans le cadre du cycle Orson Welles, les 100 ans d’un mythe. »
Cycle Orson Welles, Les 100 ans d’un mythe, sur TCM Cinéma, à partir du jeudi 7 mai 2015 à 19h45.