Last Knights : de cape et épais

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Voilà un moment que le cinéma de genre ne s’était essayé à un film d’aventures costumé basé sur le talent de ses comédiens plutôt que sur des effets spéciaux. 

Un chevalier avec peur et reproches perd son maître par la faute d’un roitelet corrompu et sanguinaire. Ce résumé suffit, car le mieux pour vous les spectateurs français, c’est d’entrer dans le film sans rien en savoir, et donc sans regarder sa bande-annonce et sans lire cette critique, et si possible sans vous exposer au matériel de promotion – si jamais le film sort chez vous autrement qu’en vidéo. Parce qu’il faut rechercher cette sensation perdue il y a longtemps et qui ressemble à l’émerveillement de l’enfance devant la nouveauté, ou plus tard, comme découvrir un quartier dans une ville qu’on croyait connaître par cœur. Donc nous entrons dans Last Knights presque comme en terre inconnue, car on ne sait pas quand ni où on est. Les vêtements et la technologie nous donnent bien quelques indices sur l’époque et le lieu. Nous sommes à l’aube de la Renaissance, ou à la sortie du Moyen-Âge, dans un territoire qui pourrait être situé quelque part en Eurasie. Si Last Knights se présente sous la forme d’un film d’aventures et d’action, c’est aussi une uchronie. Puisqu’il nous présente une société impossible qui fait la part belle à la « diversité », dans la limite des stocks disponibles. Entendre par là que rarement on a vu un tel mélange de comédiens de « races » (c’est comme ça qu’on dit aux States) différentes, de surcroît dans un long-métrage de cape et d’épées. Qu’on se rassure, le héros est blanc comme un cachet d’aspirine un peu sale, et sa femme aussi. Mais tout de même, on accueille cet arc-en-ciel de couleurs de peau et de visages avec plaisir sans se poser de questions sur la vraisemblance historique. On croirait une variation du Mahabarata filmé de Peter Brook qui racontait la genèse du monde avec des comédiens de tous les horizons à partir de la mythologie indienne.

En tête d’affiche, pour conquérir le marché euro-américain d’abord, on retrouve le charismatique Clive Owen. A ses côtés, Morgan Freeman, et en face dans le camp des « méchants », des acteurs de moindre notoriété (en Europe occidentale et aux Etats-Unis) comme le coréen Sung-ki Ahn, et le norvégien Askel Hennie (Pioneer). Célébrité minimum mais talent maximum, un classique dans la société du spectacle. Et surtout, nous avons aux commandes de l’entreprise un réalisateur japonais, Kazuaki Kiriya (Casshern, Goemon) qui sans imposer un style particulier, maîtrise sa lumière, ses décors et surtout ses acteurs. Étrangement, Last Knights a reçu un mauvais accueil de la part du public nord-américain qui lui reproche la maigreur de son scénario inspiré de l’histoire nippone vraisemblable des « 47 rônins » déclinée plusieurs fois au cinéma depuis Mizoguchi en 1941. Alors on s’interroge : depuis quand les ricains s’intéressent au scénario ? De toute évidence, le caractère transnational, bâtard, de Last Knights (production coréenne et tchèque, casting « united colors », et distribution américaine) n’est pas au goût de tout le monde. Il l’est au nôtre.

Last Knights de Kauaki Kiriya, scénario de Michael Konyves et Dove Sussman. Avec : Clive Owen, Morgan Freeman, Askel Hennie, Sung-Kee Ahn.  Photographie : Antonio Riestra. Musique : Satnam Ramgotra et Martin Tillman. Corée du Sud-République Tchèque, 2015. Sortie française : inconnue. 


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