Lou! bonbon visuel

Le film le plus expérimental d’octobre 2014 est une bluette pour pré-ados adaptée d’une BD à succès.

Bon signe au pays de l’imaginaire français : la tendance à confier à des auteurs de bande-dessinée le contrôle de projets audiovisuels s’est accentuée depuis les succès de Johan Sfar et Riad Satouff. C’est au tour de Julien Neel d’adapter sa propre oeuvre dans un long-métrage familial. Lou est une fille de 12 ans élevée par une mère célibataire abandonnée par le père dès l’annonce de sa grossesse. Une famille monoparentale somme toute normale, si ce n’est qu’elle refuse de grandir. Pas la fille, la mère. Ainsi, Lou se retrouve à élever en quelque sorte sa mère, jusqu’à arranger la rencontre avec un voisin de palier destiné à devenir son amant et très accessoirement une figure paternelle pour la jeune ado en pleine croissance.

On ne saurait dire si le film est fidèle à l’oeuvre originelle car nous ne la connaissions que de réputation avant de découvrir sa version « live ». Ce qui est certain c’est que Julien Neel fait des choix très audacieux en matière de direction artistique. C’est ainsi qu’il parvient à retranscrire une perception semi-infantile semi-adolescente de la réalité, avec la fantaisie d’un auteur adulte en plus. Les décors, les accessoires, les costumes et les maquillages projettent les personnages et les spectateurs dans un non-temps situé quelque part entre 1970 et 2010, dans une grande ville. C’est peut-être un détail mais il nous semble très important surtout dans le cadre d’un film pour nos djeuns : il n’y a pas mention visuelle d’une seule marque connue, au contraire, ce non-placement de produits est l’occasion de traits d’humours subtils (les canettes de jus s’appellent « jus de fruit »…).  La mère de Lou s’évade aussi dans une rêverie de science-fiction magique retranscrite dans le style des dessins animés japonais des années 90 (ou 60 ?). Complètement inattendu et bienvenue.

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Bien sûr, la production n’a pas disposé d’une centaine de coachs comme il se ferait aux Etats-Unis pour aider les jeunes acteurs à mettre en bouche certaines répliques trop complexes pour des êtres de chair de cet âge mais pas pour des personnages de BD. Cette petite dissonance est compensée par le casting adulte aguerri, qui du premier au dernier rôle donne aux comédiens l’occasion de réaliser de savoureuses caricatures. A cause/grâce à cette interprétation et des décors intentionnellement exagérés en couleurs et en dimensions, le film dérive souvent vers le théâtre. Jusqu’à faire intervenir dans une petite scène de François Rollin et Julie Ferrier dans les rôles de parents bourgeois soumis au diktat de leur fille gothique et surprotégée. Tous ces détails font qu’il est tout à fait possible pour les adultes d’apprécier Lou! Journal infime en même temps que leur enfant déjà acquis, ou pas, à l’univers de la BD qui a déjà été déclinée en dessin animé, nous dit notre assistant. Julien Neel, le réalisateur et auteur de l’originale, se dit inspiré par la poésie des films de Gondry. Il réussit à marcher dans les trace du maître, tout en répondant à un question philosophique souvent posée : on peut donc faire expérimental et trop mignon à la fois.

Lou! Journal infime, de Julien Neel, avec Lola Lasseron, Ludivine Sagnier, Kyan Khojandi, Nathalie Baye. Photographie : Pierre Millon. France, 2014.


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