La mécanique d’Orange : la censure comme ligne éditoriale (Mediapart)

Le Saint Laurent de Bonello : une affiche si anxiogène qu’elle fait peur aux actionnaires d’Orange.
Le Saint Laurent de Bonello : une affiche si anxiogène qu’elle fait peur aux actionnaires d’Orange.

Pour inaugurer ce tout premier article de notre revue de presse, nous feuilletons Mediapart dont l’indépendance et l’autonomie financière permettent la réalisation d’enquêtes sérieuses comme celle-ci.  En cause, une censure au nom d’intérêts privés donne aux films d’Orange un goût sacrément amer.

Autant ouvrir les guillemets et avec des pincettes : « des pressions ont été exercées au nom du président d’Orange, Stéphane Richard, sur la directrice de la filiale cinéma du groupe, pour qu’elle renonce au financement d’un film qui déplaisait à Pierre Bergé, actionnaire du Monde » affirme Mediapart. « Le groupe voulait s’attirer les bonnes grâces du quotidien dans l’affaire Tapie, qui met en cause… Stéphane Richard ». Les journalistes du pure player « qui appartient à ses lecteurs » affirment aussi que la directrice générale de la filiale, Frédérique Dumas, a été contrainte « de renoncer à financer un film sur Yves Saint Laurent, celui que préparait Bertrand Bonello, pour ne pas « s’attirer les foudres » de Pierre Bergé, actionnaire du quotidien supposé peser sur la ligne éditoriale, et ancien compagnon du célèbre couturier ». La résistance de Frédérique Dumas semble exemplaire puisqu’elle maintiendra son soutien au film de Bonello dont la sortie se fera bien plus tard que le biopic de Jalil Lespert. Preuve à l’appui Mediapart démontre que ces pratiques étaient courantes depuis 2011. Le film de Mathieu Kassovitz l’Ordre et la morale et celui de Nicolas Hulot Le syndrome du Titanic ont motivé les administrateurs du groupe à ne pas « continuer sur cette ligne de films politiques », allant jusqu’à les qualifier de « mauvais choix ». Trop politiques, trop gênant pour certains intérêts privés, des films relatant des évènements comme le massacre d’Ouvéa méritent de ne jamais être faits ou alors plus tard, beaucoup plus tard. C’est ainsi qu’il manque tout un pan de la cinématographie française, et que le spectateur mais surtout les auteurs enragent de l’absence de ces politique-fictions dont une devait nous raconter la course à l’Elysée d’une femme candidate, et une autre, recréer l’affaire Karachi – des projets soumis à Frédérique Dumas mais auxquels elle a du renoncer. La directrice cinéma d’Orange, malgré un palmarès non dénué de talents, a été remerciée en janvier 2014, le groupe n’avançant pour seul argument un défaut de rentabilité.

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