Graham Chapman fut le tout premier de la troupe des Monty Python à entrer dans l’histoire, notamment parce qu’un jour d’octobre 1989, il mourrit. Ce film d’animation autobiographique non autorisé par lui ne raconte pas vraiment son histoire.
L’autobiographie d’un menteur : l’histoire non-vraie de Graham Chapman des Monty Python est un objet difficile à étiquetter donc unique. Quelques années avant sa mort, le premier ou second des comédiens, auteur et parolier de la troupe, enregistre une sorte de biographie fantasque sur bande audio. De cette trace ultime, ce n’est pas un film que des producteurs-fans ont tiré mais dix-sept. Bien sûr, il y a une continuité. Ca commence en 1976, supposément, sur une scène de Broadway où les Monty jouent un sketch en hommage à Oscar Wilde, figure tutélaire de Chapman. Au moment de lâcher une réplique censée plier le public de rire, Chapman a une absence. Ce ne sera pas la première qu’il doit à ses excès de boisson. Ce vide, il le remplit par le récit de son existence qu’on résumerait ainsi : il naît, il vit, il meurt. En gros. Et l’on peut dire que Chapman a tiré sur la corde.
Non content d’échapper au blitzkrieg à sa naissance, il grandit dans une famille pépère qui espérait « un garçon noir juif et hétéro pour avoir des problèmes« . Intelligent, cultivé et fin, il étudie la médecine à Cambridge. Dans l’atelier théâtre de l’université, il fait la connaissance du grand John Cleese. Diplômé, après quelques expériences non concluantes avec les femmes, il décide de faire le tour du monde et de « devenir une grosse pédale, mais très virile« . En effet, Chapman exhibe un peu tous les atours de l’englishman classique dont cette pipe et ce parlé pédant qui vont caractériser son personnage, un hétéro sous toutes les coutures. Nous sommes alors fin des années 60, et Elton John n’est pas encore le favori de la cour d’Angleterre. loin de là : quelques années plus tôt, en 1954, Alan Turing se suicidait par désespoir et peut-être aussi parce qu’on l’avait condamné à la castration chimique pour le « guérir » de son homosexualité, après qu’il eut aidé les Alliés à gagner la guerre contre l’Allemagne d’Hitler.
Entre temps, le succès pointe, et Chapman triomphe aux côté de Cleese, Eric Idle, Terry Jones, Michael Palin et Terry Gilliam. Et alors il plonge dans l’excès, soi-disant parce qu’il pensait « ne pas mériter cette réussite« . Son corps finira par dire stop, parce que même pour un rosbeef, 5 pintes de gin par jour, c’est juste trop. A ce moment du métrage, cela fait déjà au moins une heure que le film n’est pas drôle. Ce n’était pas l’objectif recherché, faire rire. Et l’auteur a prévenu dès l’introduction en demandant au spectateur trente secondes d’insultes « pour faire gagner du temps pour la suite« . En revanche, il s’avère triste, ou alors extrêmement subtil, et visuellement explosif. L’interlude que dure le récit de la vie de Chapman raconte tantôt avec sa voix, tantôt avec celle de quelques membres des Monty Python et d’acteurs (dont Stephen Fry et, on se demande ce qu’elle fait là, Cameron Diaz), non pas une absence mais un long delirium tremens. Comment expliquer autrement le foisonnement visuel: 17 tableaux de styles différents, mélangeant quasiment toutes les techniques d’animation, de la 3D à la peinture avec incrustation de photos et de vidéo d’époque.
Et heureusement cette autobiographie inexacte s’achève par une vérité. Les camarades de Chapman transforment son oraison funèbre en un sketch aujourd’hui célèbre. Chacun y va de son bon mot. John Cleese rappelle à quel point Chapman tenait le mauvais goût en respect et la provocation comme un sacerdoce. Le film, il est vrai, n’est pas avare en grivoiseries. « Bon débarras, j’espère que ce bâtard brûle [en enfer]. Et si je dis cela c’est parce qu’il m’en aurait voulu de ne pas profiter de cette occasion pour vous choquer en son nom« . L’ironie du sort c’est que Chapman n’est pas mort d’une cirrhose du foie mais d’un cancer de la gorge. Le gin sans doute, mais on dirait que c’est la pipe qui a eu raison de lui. Il l’a bien cherché, cet enculé.
A Liar’s Autobiography – The Untrue Story of Monty Python’s Graham Chapman, un film d’animation de Graham Chapman, Bill Jones, Jeff Simpson and Ben Timlett, avec Graham Chapman, John Cleese, Terry Gilliam, Michael Palin, Terry Jones, Cameron Diaz, Stephen Fry, Tom Hollander et Carol Cleveland. Grande-Bretagne, 2012. Sortie française : tu peux toujours courir.
Les amateurs peuvent découvrir le making-of du film à l’adresse suivante : adresse suivante.
Bonus vidéo : extrait télé de Monty Python’s Flying Circus
« Le restaurant » (1973)