Dernier rire avant mise en quarantaine

Le réalisateur-scénariste britannique Edgar Wright triomphe à nouveau avec sa comédie de science-fiction Le dernier pub avant la fin du monde où il célèbre la culture de la pinte et de l’irresponsabilité.

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Aucun ado ne pleure son enfance perdue. Regretter l’impuissance, les jouets et les dessins animés débiles, et des parents autoritaires voire gagas ? Carrément pas, et même trop-pas. Les ados badent (angoissent) quand ils imaginent à quoi ils vont ressembler physiquement et quel genre de vie sera la leur à l’âge fatidique de 40 ans, stade terminal présumé de la jeunesse du corps et de l’esprit. Pour l’auteur de la présente critique, jeune trentequatrenaire, la question n’est plus à l’ordre du jour depuis quelques années. Pour l’auteur de Dernier pub avant la fin du monde (The World’s End) elle ne l’est pas plus. Edgar Wright est à peine plus âgé, physiquement, mais déjà il est auréolé de succès, de propositions professionnelles alléchantes et doté d’une belle gueule qui lui vaut sans doute d’être entouré de jeunes femmes soumises à leur désir de posséder un FILF (« Father I’d Like to Fuck » catégorie masculine équivalente aux MILFs). Donc un type super énervant s’il n’était pas doué de talents certains dont celui, ô combien précieux, de faire rire. C’est ce qu’il réussit de nouveau, après Shaun Of The Dead et moins avec Hot Fuzz, dans ce dernier volet de sa trilogie nommée « sang et crème glacée » (ou Trilogie Cornetto), allégorie sur la difficulté de devenir adulte c’est à dire, étymologiquement, fini. Ca pourrait être l’hymne de la génération geek.

Dans The World’s End, on retrouve ses acteurs fétiches dont le comédien et co-scénariste Simon Pegg, qui avec Nick Frost forment un duo façon Laurel et Hardy essentiel au succès de ce salaud de Wright (le beau gosse encerclé de jeunes groupies intéressées, et qui travaille avec Spielberg, Tarantino et Peter Jackson). Dans Shaun Of The dead, « comédie romantique avec des zombies« , les deux tentaient de survivre à une épidémie de morts-vivants et à l’âge adulte. Cette fois, il s’agit de surmonter la quarantaine et une invasion extra-terrestre. Gary King, roi déchu campé par un Pegg au zénith de son art, entraîne ses compagnons dans le bled paumé au nord de l’Angleterre où ils vécurent, dans l’espoir de parachever un épisode glorieux de leur adolescence : la tournée des pubs de la bourgade, jusqu’au « World’s end », et au coma éthylique. Adulte raté, mais alcoolique réussi, l’ancien meilleur-pote-rebelle-du-lycée va emmener ses copains quadras engoncés dans la routine de leur vie et leurs bourrelets jusqu’à leur destruction.

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C’est très facile pour des saltimbanques accomplis comme Wright, ou Pegg, de faire la leçon au reste de l’humanité sur la manière de s’accomplir, de dire aux autres, les sédentaires, les avocats, les agents immobiliers, les ouvriers, les salariés, à ceux qui élèvent des enfants seuls ou en couple, combien leur existence est médiocre et monotone, combien elle pourrait être délirante et riche si seulement ils se laissaient aller à être « libres et défoncées » comme dans le tube de Primal Scream en générique. Parce qu’il sait qu’un tel monde serait impossible à vivre, et que lui même n’y survivrait pas (d’où le thème carrément-trop-pas anodin de la fin du monde), il ne dit pas que ça. Ce salaud de Wright amène ses gags et ses arguments sans lourdeur, sans trop de morale ni de nostalgie, juste ce qu’il faut, avec une intelligence et un troisième degré quasi-dénués de méchanceté qui ne peuvent que déclencher le rire – même si certains dialogues sont attendus. Wright est l’anti Seth McFarlane, comique troupier américain qui traita le même sujet cette année avec Ted, l’ourson scato et libidineux qui remporta quelques voix au box-office et celle de l’acteur français Joey Starr – déclaré punk par l’intelligentsia parisienne des 90′, aujourd’hui bien rangé dans le même milieu. Si cette fin du monde ne soulagera pas les ados de leur angoisse de vieillir ni les autres de l’approche inévitable de la fin, elle est incontestablement le feel-good movie de cet été 2013. Surtout, elle allège son public cible, les hommes de 35/45 ans, des souvenirs pénibles d’avoir eu 17 ou 18 piges un jour dans une banlieue pourrave de Londres ou Lille, et de ne pas avoir serré plus fort son premier amour. On se passera de la bande-annonce, en revanche.

Le dernier pub avant la fin du monde, d’Edgar Wright et Simon Pegg, avec Nick Frost, Martin Freeman, Paddy Considine, Pierce Brosnan. Grande-Bretagne, 2013. Sortie française le 28 août 2013.

En bonus (ou malus) vidéo on vous inflige le clip de Primal Scream

Loaded (1990)


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