Buena Vista Social Club – Adios : un dernier tour et puis s’en va

Vingt ans après le documentaire, de Wim Wenders, on suit la dernière tournée de l’orchestre cubain Buena Vista Social Club tout en revenant sur la carrière prolifique de ses membres.

C’est en 1997, dès sa sortie, que l’album éponyme connaît un succès mondial. En 1999, Win Wenders consacra un documentaire qui présentait chaque membre du groupe en même temps qu’il nous offrait un portrait « coloré » de la Havane et ses alentours. Là où le réalisateur allemand s’attardait à décrire les architectures d’un autre temps, l’américaine Lucy Walker dresse un portrait plus complexe de Cuba et de certains membres de l’orchestre. Le film commence sur l’annonce de la mort de Fidel Castro. Alors on sait que les protagonistes sont appelés eux aussi à disparaître, mais pas leur culture.

L’île de Cuba a connu un âge d’or, l’extermination de ses premiers habitants, la présence espagnole, celle des esclaves africains, l’abolition de l’esclavage, la ségrégation raciale, et la Révolution. Et le Buena Vista Social Club, à l’origine un club de danse pour Noirs. En même temps qu’il revient sur l’histoire mouvementée de Cuba, le film raconte les carrières des doyens du Club. Compay Segundo, Rueben Gonzalez, Ibrahim Ferrer et Omara Portuendo sont les trois personnages principaux, maîtres du son (la base de la salsa telle qu’elle était écoutée des années 30 à 50). Il est difficile de ne pas s’attacher à leurs personnalités uniques et optimistes et de ne pas être touché devant la tendre amitié qui lie Ferrer et Portuendo.

« Adios » n’est pas que l’enregistrement de la tournée d’adieu du groupe. Le documentaire revient sur la création de l’album, puisant dans les rushs non utilisés par Wenders et dans les archives de la télévision nationale. C’est à Nick Gold, producteur, Ry Cooder, légende vivante, et Juan de Marcon Gonzalez, musicien, que revient le crédit d’avoir réuni les interprètes originaux de classiques du son, tous à la retraite, pour enregistrer cet album unique en son genre, Buena Vista Social Club. Le succès leur ouvre les portes de l’international, parfois avec difficulté (comment venir chercher un Grammy Award sans visa?) parfois avec les honneurs comme ce concert donné à La Maison Blanche en plein réchauffement diplomatique entre Cuba et les Etats-Unis.

On passe plusieurs fois par la case cimetière pour enterrer ou rendre hommage à l’un ou l’autre. Pour autant, ce n’est pas la tristesse qu’on garde en souvenir de ce documentaire mais plutôt l’incroyable parcours de ces interprètes passés par des périodes de pauvreté, d’anonymat et de désespoir. « On devrait être célèbre à 15 ou 20 ans, pas à 90 » lâche Ibrahim Ferrer, pour qui les fleurs de la vie ne viennent à soi qu’une fois. Cette longévité Compay Segundo s’en amusait et l’expliquait par « l’excès en rien » : « le poulet, et les femmes, il ne faut abuser de rien dans la vie ». De la formation originale, survivra notamment Omara Portuendo, 86 ans, qui se produit encore dans les festivals. Le secret est peut-être dans la musique, puisque chacun a joué ou continue de jouer jusqu’au dernier souffle. Tout simplement, cette musique si vivante et ces émotions qu’elle fait naître à chaque fois qu’on l’écoute.

Buena Vista Social Club : Adios. Un film de Lucy Walker. Avec : Ibrahim Ferrer, Omara Portuondo, Manuel ‘Guajiro’ Mirabal. Photographie : Enrique Chediak, Lucas Gath, Nicholas Higgins. Montage : Tyler Temple Higgins, Pablo Proenza, Mariana Blanco. EtatsUnis/Cuba 2017. Sortie française le 26 juillet 2017.


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