Black Mirror – Bandersnatch : Then Goto 0
On 2 janvier 2019 by rachidouadahUn épisode de Black Mirror interactif ? Qu’importe la promesse, il y a quelque chose de spécial dans les images de Bandersnatch.
La télévision interactive c’est le serpent de mer de l’industrie audiovisuelle. Beaucoup en parle mais personne ne l’a vraiment réalisée de manière satisfaite et sur le long terme. Et ça continue avec Netflix, le service de VOD aux 137 millions d’abonnés qui le 28 décembre 2018 proposait un épisode interactif de la série Black Mirror. Dans la fatale et attractive année 1984, Stefan, un jeu programmeur semblant souffrir de troubles autistiques ou de schizophrénie, s’arrache les cheveux devant son ordinateur. Il code un jeu pour ZX Spectrum (premiers ordinateurs personnels) adapté d’un livre à choix multiples (“Livres dont vous êtes le héros”, souvenez-vous) qui a rendu fou son auteur. Et il prend le même chemin, après avoir mangé des céréales, écouté de la musique dans le bus, pris du LSD, sauté par la fenêtre et tué son père. Ce sont à peu près les seuls choix offerts au spectacteur qui n’est acteur de rien en fait puisque tout est écrit à l’avance et tout peut recommencer à zéro après le “game over”. Il faut quatre heures environ pour “explorer” toutes les alternatives tournées. Si l’intention de Netflix était de générer du temps passé sur ses serveurs ou des conversations sur le net, c’est réussi. Pour le reste…
Il existe une version de 90 minutes relativement cohérente qui circule sur le web. Et c’est sur ce métrage là que nous poserons notre avis critique. Déroulé dans une certaine totalité, Bandersnatch apparaît aux uns comme une escroquerie et aux autres comme un éclair de pur génie. De Black Mirror nous n’avons connu que les premiers épisodes au début de la diffusion de la série. Déjà familiers du travail de Charlie Brooker via la mini-série Dead Set (2007), on avait renoncé devant la violence psychologique auquel nous soumettait le journaliste, auteur, et satiriste britannique et créateur de Black Mirror en 2011. Comme Dans la peau de John Malkovitch ou Adaptation (du scénariste génial Charlie Kaufman) Bandersnatch est un film méta. Il s’interroge sur sa forme, son contenu tout en interrogeant le spectateur. Pour corser la compréhension du récit, le héros présente des troubles du comportement et de la perception du réel. Cela permet aux scénaristes des aller-retours lynchiens dans le temps, entre le réel et le fantasme du héros, et entre la fiction et le réel du spectateur dont les choix mèneront de toute manière à une issue pessimiste, ligne éditoriale de Black Mirror oblige. Il en résulte un objet filmique clivant et audacieux dont vont se nourrir de nombreux exégètes dans les années à venir. Donc un chef d’oeuvre.
Black Mirror – Bandersnatch. Scénario : Charlie Brooker. Réalisation : David Slade. Grande-Bretagne/Etats-Unis, 2018.