Réunir les monstres de la littérature fantastique britannique victorienne et en ajouter, c’est le pari réussi de la série Penny Dreadful.
Longtemps intrigués par l’identité visuelle de la série incarnée entièrement par une Eva Green vêtue de noir jusque dans l’âme, nous nous sommes décidés à jeter un oeil puis deux finalement sur cet objet moins populaire que Game Of Thrones, Mad Men et autres Petite maison dans la prairie en vogue. Autour du personnage de Vanessa Ives (Eva Green), s’agite un ouragan de forces surnaturelles. Nous sommes en 1891 et Londres est en train d’achever sa révolution industrielle. Dans 20 ans, le monde va se livrer à une grande boucherie elle aussi mécanisée appelée « Guerre Mondiale ». La série commence réellement sur les chapeaux de roues (roux ?) en réunissant tous les personnages récurrents et importants. Ce n’est qu’au fil des épisodes qu’on comprend le lien étrange entre Ives, la médium, Sir Murray (Timothy Dalton interprétant une version libre de droits de Alan Quatermain), l’explorateur, et Ethan Chandler (Josh Hartnett), un tireur d’élite américain fuyant quelque chose, quelqu’un ou peut-être lui-même. On valide la bande-annonce pour l’usage du silence et l’absence de spoilers.
C’est un casting de cinéma, avec à la direction Sam Mendes (American Beauty) et John Logan (Rango, Gladiator). Que demander de plus qu’un film de cinéma, avec des acteurs de talent, qui s’allonge sur une, deux saisons voire plus ? Peut-être écourter cette séquence d’exorcisme. Mais certes, elle éclaire le personnage de Vanessa Ives. Après tout, cela rend sa souffrance pesante, et permet à Eva Green de jouer de toute sa palette de couleurs. Et quelle palette ! Sa prestation rappelle en qualité celles de Jessica Lange dans American Horror Story. Et on dit bon retour à Timothy Dalton qui rappelez-vous, fut un James Bond (alors qu’Eva Green fut une « girl » dans la saga). Josh Harnett fait lui aussi très bien son job sans cabotiner, c’est le cas de le dire. La réalisation et la créativité de l’ensemble l’emporte sur un final de première saison décevant, et une thématique faiblarde dans la seconde. La saison 1 fait appel aux vampires et à la science, accouchant de plusieurs créatures de Frankenstein. Elles symbolisent cette transformation sociétale qui va littéralement fondre l’homme à l’électricité et par extension, à la machine. Il en sortira incomplet, démembré, étendu artificiellement.
Roman de gare au loup
Les penny dreadful étaient, selon Wikipedia, un genre de littérature macabre vendue un penny l’épisode aux ados de la classe ouvrière britannique du 19e siècle. Une sorte de pulp fiction ou de Strange, Marvel… C’est l’invention de la littérature de série pour un public de masse, et par effet domino, de la série télé, et par extension, de la VOD par laquelle le spectateur doit passer pour voir les épisodes de ce Penny Dreadful là. Mais comme un roman de gare, l’accumulation de mythes ou d’effets donne un côté un peu cheap. Il y a des scènes explicites, parfois que c’est même homosexuel, un mélange d’horreur et de sexualité comme dans American Horror Story. Difficile de ne pas le comparer à son homologue purement américain. Penny Dreadful n’est pas britannique de souche, on va dire, à cause de cet hamburger mythologique, ce mille-feuilles qui superpose les aventures du docteur Frankenstein, Dorian Gray, un loup-garou, et bientôt peut-être le Dr Jekyll/Mr. Hyde, le Capitaine Nemo, et un Dracula qui se la joue vedette américaine. Encore un ou deux héros, et La Ligue des Gentlemen Extraordinaire (bande-dessinée d’Alan Moore, devenue un film en 2003 dont le remake est en développement) sera de nouveau au complet. Tant qu’Eva Green assure le show et la cohérence, cette english horror story a toute notre attention. Mention spéciale pour le générique et la musique de Abel Korzeniowski.
Penny Dreadful de John Logan. Avec Reeve Carney, Timothy Dalton, Eva Green, Rory Kinnear, John Clare, Billie Piper, Danny Sapani, Harry Treadaway Josh Hartnett. Musique : Abel Korzeniowski. Etats-Unis/Grande-Bretagne, 2014-.