
Le colonel Kane, un vétéran de la guerre du Vietnam, prend ses fonctions de directeur d’un hôpital psychiatrique militaire aménagé dans un château gothique. Il y pratique une médecine non conventionnelle. Il encourage les patients à vivre leurs fantasmes, à accepter leurs hallucinations. Et les frontières entre souffrants et soignants s’estompent, les premiers se faisant passer pour les seconds sans déclencher les camisoles de force. Il y a un pensionnaire qui veut adapter Shakespeare avec des chiens. Un autre est persuadé d’être capable de traverser les murs. Et puis il y a le capitaine Cutshaw. Cet astronaute a saboté un vol vers la lune dans une crise d’hystérie. Feinte. Ou pas. Cutshaw était en réalité angoissé à l’idée de ne trouver au-delà du globe terrestre aucun autre au-delà. Aucun Dieu. Rien qui luit là-haut. Tandis que le mal triomphe ici-bas. À la panique existentielle de Cutshaw, Kane oppose une sérénité et une force… tranquille. Pas tant que ça, en fait. Pas vraiment. Pas du tout. À la folie.
La Neuvième configuration n’est pas le genre de film qu’on retrouve aujourd’hui sur Netflix ou Amazon Prime. Déjà, à sa sortie en 1980, aucune étoile de Bethléem n’a brillé dans le ciel pour guider rois mages et spectateurs vers les salles. Son auteur-réalisateur, William Peter Blatty, restait associé au succès colossal de L’Exorciste, sorti sept années plus tôt. Peut-être comme la critique et le public de l’époque, je m’attendais donc à un film fantastique, en lien avec son titre mystérieux. La Neuvième configuration commence pourtant en comédie burlesque, façon Mel Brooks. En réalité, c’est l’ombre de Blake Edwards qui plane, puisque Blatty avait aussi écrit le scénario de Quand l’inspecteur s’en mêle (1964). Pas évident de suivre les tableaux épars du scénario, comme si on errait de troupe en troupe dans les rues d’un Off d’Avignon. Peu à peu, ce cirque laisse la place au duo Cutshaw–Kane, et à la tragédie. Pas évident non plus de vendre au public une histoire qui change de ton et de style plusieurs fois en moins de deux heures. D’autant qu’un autre film se déroulant en hôpital psychiatrique avait déjà marqué les esprits en 1975 : Vol au-dessus d’un nid de coucou. Et sur le traumatisme de la guerre du Vietnam, il y a eu Apocalypse Now (1979), puis Rambo (1982). Enfin, en 1990, L’Échelle de Jacob, qui fait la jonction entre guerre, psychose et fantastique. Comment espérer attirer les foules avec une œuvre aussi atypique ? Au milieu de l’apparent chaos du film de Blatty, Stacy Keach impose sa présence et son physique. Il incarne vraiment le colonel Kane. Quatre ans avant de devenir Mike Hammer. C’est son personnage à vif qui aura le final cut.
La Neuvième configuration. Scénario et réalisation : William Peter Blatty. Etats-Unis, 1980.
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