Atticus, la vingtaine, revient de la guerre de Corée pour retrouver son père, perdu quelque part dans une Amérique profonde et profondément raciste. Avec son amie et amante Laetitia, et son oncle Georges, ils vont affronter des monstres, des phénomènes surnaturels et la haine crasse des blancs.
Après l’excellente Watchmen, Lovecraft Country est la seconde série de genre se risquant à faire du racisme sa matière première. C’est un risque parce que le public américain auquel ces fictions sont destinées n’est pas forcément acquis à la même cause que leurs créateurs-trices. C’est le point fort de cette série dont le showrunneur est une femme noire, Misha Green. Problème : si Lovecraft Country coche toutes les cases du progressisme en vogue dans l’industrie aux Etats-Unis, la série oublie d’être une série. Les héros enchaînent les péripéties comme si elles n’avaient aucun lien entre elles. D’ailleurs, chaque épisode appartient à un sous-genre du fantastique comme la maison hantée, l’exploration de ruines magiques façon Indiana Jones, le voyage dans le temps ou l’exorcisme. Mais rien ou si peu sur la mythologie lovecraftienne. A mi-saison, la narration opère un immense flashback en Corée pour introduire artificiellement un personnage qui aidera à dénouer le nœud final de l’intrigue dans le tout dernier volet. En chemin, on aura croisé des personnages noirs de premier plan, des femmes noires célibattantes, mais aussi des noirs homosexuels et travestis, une aryenne à la fois lesbienne interraciale et occasionnellement transgenre, une asiatique et une indienne américaine hermaphrodite. C’est comme si la série avait un cahier des charges “progressiste” et s’y était tenue aux dépens de la qualité narrative. La showrunneuse Misha Green a d’ailleurs été prise dans une mini-polémique, comme en produisent les réseaux sociaux, pour avoir mal traité son personnage d’indigène queer. En fait, Lovecraft Country est une série intersectionnelle, ce mouvement politique d’essence nord-américaine pour lequel les luttes contre les systèmes domination convergent au moins vers un ennemi commun : l’homme blanc hétérosexuel cisgenre de plus de 25 ans. Ici l’homme blanc est souvent blond, toujours raciste, et c’est lui qui s’affirme en monstre tentaculaire en lieu et place de l’indicible lovecraftien promis par le titre. A noter que la série est produite par Jordan Peele, J.J. Abrams et le français Yann Demange qui réalise le premier épisode, ce qui explique l’excellente facture de l’ensemble (à une exception près).
Lovecraft Country. Créée par Misha Green d’après Matt Ruff. Etats-Unis, 2020.