Dans les années 90, Michael Jackson aurait abusé sexuellement et psychologiquement de deux garçons de 7 et 10 ans, et du monde entier.
“Pédophile” c’est seulement au terme des quatre heures de ce documentaire que le mot est lâché par la mère d’une des deux victimes – présumées, comme on se doit de le préciser sinon ce serait de la diffamation. C’est à elles et leurs familles que le film est consacré. James Safechuck et Wade Robson, à l’aube de leur quarantaine, témoignent. Dans les années 90, ils ont été les petits amis de Michael Jackson dans sa gigantesque propriété appelée Neverland, du nom du pays imaginaire de Peter Pan, « où les enfants ne grandissent jamais« . D’autres témoins racontent leur part de ces années irréelles, les mères, une sœur, un frère, et une grand-mère. C’est que la relation qu’a entretenu le roi de la pop avec ces enfants, 7 et 10 ans à l’époque, a eu des répercussions énormes sur leurs familles. Les “ex” ne sont pas avares de détails, et “Michael” a laissé énormément de traces, des quantités de fax et de messages téléphoniques. Mais pas de traces de sperme ou de sang suite à une relation anale, ça fait trop longtemps. Il faut nommer les choses par leur nom. C’est ce que font les deux jeunes hommes qui livrent les détails des pratiques sexuelles de l’interprète de Smooth Criminal. Il y a ça, le sexe, avec des enfants donc. Le reste est aussi pervers. “Michael” a fait en sorte de rendre totalement dépendants ces deux enfants, en les éloignant de leur vie normale, de leur éducation, de leurs parents. Il a même changé leur existence positivement en propulsant leurs carrières respectives. Comment alors dénoncer quelqu’un à qui on doit tout ? Quelqu’un, qui n’a cessé de répéter à ces enfants que si on découvrait la nature de leur relation, ils risquaient la prison à vie après leur avoir fait croire que ce qu’il se passait entre eux était normal. Quelqu’un qui était surpuissant, irréel. Michael Jackson offrait des bijoux à l’un des enfants comme des confiseries, en récompense, et a organisé un mariage avec l’autre. Tout cela, non seulement avec un consentement tacite des parents, mais devant les yeux du monde entier. Les nôtres.
Ce n’est pas un réquisitoire contre “Michael” mais une plaidoirie pour les victimes qui sont encore aujourd’hui sur le banc des accusés au tribunal des fans. Leaving Neverland permet de mieux comprendre la mécanique psychologique en oeuvre dans ce cas présumé de pédophilie, et par conséquent pourquoi Wade Robson est revenu sur son témoignage dans les précédents procès impliquant Jackson. Si les témoins sont étrangement détendus au début du film, ils craquent émotionnellement à la fin. Parmi les réactions provoquées par la diffusion de Leaving Neverland, on note la tentative de suicide de Paris Jackson, fille du chanteur, et une action en justice par un fan-club français pour “atteinte à la vie privée d’un mort”. Et il y a cet autre témoin qui ne dit rien et qui est spectateur depuis le début : nous. Comment avons-nous fait pour ignorer ce qui était déjà documenté, murmuré ? A moins que la parole des témoins soit remise en cause solidement par de nouveaux arguments dans un prochain procès, il est désormais plus facile d’imaginer que dans le pays réel de Neverland, Michael Jackson était à la fois Peter Pan et le Capitaine Crochet.
Leaving Neverland de Dan Reed, Etats-Unis, 2019.