Une comédie entre Gondry pour les effets surréalistes, et Spike Lee pour la critique sociale. Donc brillant.
C’est assez pauvre de notre part de référencer ce premier film du musicien Boots Riley au seul grand réalisateur noir qu’on connaît tous, Spike Lee. Alors que c’est Michel Gondry et Guillermo Del Toro qui sont remerciés dans le générique. Justement, Sorry to Bother You (Désolé de vous déranger) parle de ça, entre autres choses. Clairement, ça parle du fait d’être noir et précaire. Cassius Green, comme sa copine artiste-activiste Detroit (Tessa Thompson, vue dans Thor : Ragnarok et Annihilation), n’est pas idiot, même s’ils vivent dans un garage dont la porte donne sur la rue. Cassius se pose des questions existentielles mais pour survivre, il ne trouve rien de mieux qu’un job d’opérateur de télémarketing. Une fois qu’il découvre le secret de la “voix de blanc”, s’ouvrent à lui de nouvelles opportunités au sein d’une multinationale qui entend améliorer le monde et même l’être humain.
Donc oui, Gondry et Del Toro. Parce que Sorry to Bother You est classé fantastique, nous le découvrons au PIFFF 2018 avant sa sortie en janvier 2019. Tout est là pour faire un grand premier film d’un jeune cinquantenaire : l’écriture, la mise en scène, les comédiens, l’esprit. L’esprit surtout. Selon les propres mots de Boots Riley, Sorry décrit “le système” qui consiste d’abord en l’exploitation des travailleurs. “Ce n’est pas un complot, c’est juste du business”.
A ce système de domination se superpose celui de la couleur de peau, qui s’observe d’Oakland où se déroule l’action, jusqu’à Paris d’où nous écrivons en 2018. L’auteur Boots Riley transpose dans son récit une peur contemporaine et conspirationniste : celui du Très Grand Remplacement, soit le repeuplement du monde avec une sorte d’humains sans traits distinctifs, ni sexe, ni groupe ethnique, soumis et corvéables à merci. Pour le capitalisme, une bête de somme en somme.
Sorry to Bother You. Scénario et réalisation : Boots Riley. Interprétation : Lakeith Stanfield, Tessa Thompson, Jermaine Fowler. Musique : The Coup, Merrill Garbus, Boots Riley, Tune-Yards. Photographie : Doug Emmett. Montage : Terel Gibson. Etats-Unis, 2018. Sortie française : 30 janvier 2019.