La fin de l’adolescence d’une jeune américaine de province et de classe moyenne filmée avec indolence par l’égérie du ciné indépendant nord-atlantique Greta Erwig.
Christine va avoir dix-huit ans. Cette lycéenne rebelle, qui s’est surnommée Lady Bird (la Femme Oiseau ou la Dame Oiselle…), grandit dans un établissement catholique où l’on enseigne que l’immaculée conception c’est bien, l’avortement c’est mal. Jolie mais peu sûre d’elle, elle ambitionne en cette dernière année de quitter Sacramento pour New York, “là où il y a de la culture”. Pour cela, elle devra confronter ses mauvaises notes en maths et la volonté farouche de sa mère de la retenir près d’elle. A notre grand étonnement, la scène finale n’est pas truffée d’effets spéciaux, et l’héroïne ne se bat pas pieds et poings contre une armée de créatures en images de synthèse. C’est parce que c’est un film indépendant.
A la caméra et au scénario, il y a Greta Gerwig. Et tout ce qui s’ensuit n’est pas de sa faute. C’est la faute à la hype, tout le buzz (double anglicisme, pardon) autour de la notion de “ciné indé” ou “indie” en ricain. Dans ce premier film, elle montre la vie telle qu’elle se déroule vraiment. La réalisatrice use de peu d’artifices, ou d’artifices invisibles. Tout paraît naturel, y compris la comédienne principale Saroise Ronan, une proto-superstar, peut-être un peu trop âgée pour le rôle (c’est le cas dans la plupart des teen movies américain, une tendance récemment contredite par Stranger Things et Ça). Qu’importe la part autobiographique de Lady Bird (l’histoire se déroule en 2003 sur fond de guerre en Irak), on ne peut s’empêcher d’y voir une relecture féminine d’une partie de l’oeuvre de Woody Allen. Dans Frances Ha et son noir et blanc snob, on avait déjà noté la parenté avec Annie Hall. Gerwig sème quelques incongruités dans son récit, comme le prêtre coach sportif reconverti en coach de chorale, le frère adopté asiatique et grunge, pour que ce soit drôle. Mais bon, on sourit, on ne rit pas à gorge déployé. C’est la naturalité, et non pas la drôlitude, qui fait la force de la caméra de Gerwig qui a la décence de ne pas la porter à l’épaule. Le film lorgne également vers notre côté, oui, chez nous, la France, ce cinéma qu’on nous envie tant. Par ricochet on pense à un auteur américain (de blockbusters) très apprécié ici, Josh Weddon qui a dit un jour des films français qu’ils étaient comme une sorte d’escroquerie car “ils ne se terminent pas”. En ce sens, Lady Bird, premier film honorable d’une réalisatrice de 34 ans, est un peu français. Il est rare que nous fassions appel aux chiffres ici sur motionXmedia, et pourtant… il nous est difficile de passer sous silence le fait que Lady Bird a coûté 10 millions de dollars. Pour 25 millions, Wes Anderson a offert au public The Grand Budapest Hotel (2014). D’où notre qualification de film “indolent”. Plus importantes que la course aux Oscars 2018 pour laquelle elle est bien placée, nous attendons les années à venir pour observer comment Gerwig réussira ou non à transcender son héritage artistique et à se libérer ou non du phénomène de mode dans lequel la critique essaie ou non de l’enfermer.
Lady Bird. Scénario et réalisation : Greta Gerwig. Interprétation : Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts. Photographie : Sam Levy. Montage : Nick Houy. Musique : Jon Brion. Etats-Unis, 2017. Sortie française : 28 février 2018.