Pris au piège de la discussion de fans, nous « dévoilons » quelques scènes coupées au montage de Alien : Covenant.
Nous avions titré : « le retour du roi Ridley Scott ». D’autres webzines ont qualifié le métrage de nullissime. D’autres, moins retords que nous, ont noté les nombreux défauts structurels du film. Comme Prometheus avant lui, Alien : Covenant déchaîne les passions et cette fois nous prenons part au débat en présentant quelques scènes coupées de la version sortie en salle, qu’on retrouvera soit dans une version complète ou des bonus DVD (ou des vidéos promotionnelles). Flicks And The City est la chaîne YouTube d’où nous tirons les informations et la vidéo associée ci-dessous. Attention : cette fois on ne se privera pas de spoiler le film, entendu que vous l’avez déjà vu.
Le film commence abruptement. On apprend qu’un vaisseau colonial se dirige vers une planète habitable. Dans l’accident qui surprend l’équipage cryogénisé, meurt le capitaine, joué par James Franco. Pourquoi embaucher un comédien aussi connu (et cher), pour l’employer moins de deux minutes ? La réponse est que Franco a une part plus importante dans la version complète du film. Flicks And The City nous apprend que Covenant devait inclure une scène de plus de dix minutes présentant l’équipage. Ce qui répond aux critiques arguant que les personnages ne sont pas développés et donc on se soucie peu de leur disparition. Cette scène inclut un « dernier repas », référence religieuse au christianisme, références récurrentes depuis que Scott a repris les commandes de son entreprise en 2012. Est également exposée la différence de caractère entre le personnage de Franco et celui de Billy Crudup, son second, lui aussi chrétien, peu sûr de lui, et défié par l’équipage. Cela explique cette grave décision qu’il prend à l’encontre de l’avis général : explorer la planète d’où provient le signal intercepté par « hasard » (le hasard n’existant ni dans l’univers d’Alien, ni dans le cinéma).
La même séquence de repas montre un membre de l’équipage manquant de s’étrangler, comme John Hurt dans le tout premier Alien, et sauvée par Walter, l’androïde. Une autre scène censée se dérouler sur Terre installe l’idée de « construire une cabane sur un nouveau monde ». C’était le projet du capitaine et de sa femme Daniels (la frêle Katherine Waterston, vue dans Les animaux fantastiques). Cet échange aurait pu créer plus d’attachement à cette « nouvelle Ripley ».
Une autre scène coupée se retrouve dans la promotion de la Fox sous le nom de « Prologue ». Elle dévoile les rapports entre David et Shaw (Noomi Rapace), comment David découvre la compassion, un sentiment dont aucun humain, et encore moins son créateur, Peter Weyland, n’a jamais fait preuve à son égard. « Dormez bien » lui dira David, en la mettant en cryogénisation. En écho, dans une scène coupée, Walter répète la même phrase en cryogénisant Daniels. A la fin, c’est David usurpant Walter, qui la remet en sommeil long avec une légère différence. Il ajoute « attention aux punaises de lit ». L’amitié qui se noue entre David et Shaw aurait rendu le sort de celle-ci bien plus horrible. Pendant que Shaw dort quelques années, David erre dans le vaisseau des « Ingénieurs » et semble découvrir quelque chose qui le pousse à les détruire comme il l’a fait, les trouvant peut-être « pires que les humains ».
Le final cut exclu également une petite scène de rien du tout où trois membres de l’équipage jouent aux cartes et demandent à l’intelligence artificielle appellée « Mother » (« mère » comme dans le premier Alien) de ne pas intervenir. Mother subvient à tous les besoins de l’équipage dont la nourriture. Lorsqu’elle obéit à l’ordre, un silence de mort s’ensuit.
Il manque encore des explications à ce qui paraît pour certains critiques des erreurs formelles et non des intentions de réalisation. Par exemple : la créature qui sort du ventre de Crudup fait un signe de croix devant son créateur, David. Sa croissance est si rapide qu’elle est déjà adulte en quelques minutes. Les geeks de l’autre monde diront que ce n’est pas tout à fait la même créature que le xénomorphe d’Alien 1 et que donc blablabla dans le prochain film blablabla.
Ridley Scott est relativement libre de faire ce qu’il veut d’Alien dans les limites imposées par le marketing, le public, et les fans. A part ça, il est libre un max. Entre 1979 et 2017, le monde a changé, lui aussi. La créature, ou xénomorphe, est passé peu à peu en arrière-plan, devenant un cliché du cinéma. L’air du temps n’est pas à la peur d’un monstre venu de l’espace mais plutôt à la peur de l’intelligence artificielle qui vient de la Terre et de l’esprit de l’humain. L’antagoniste principal dans le premier film jusqu’à Prometheus c’est la compagnie Weyland-Yutani, qui s’intéresse à la créature pour des raisons financières. C’est dans Blade Runner qu’il réalise en 1982 à 45 ans, où il explore les rapports créature-créateur, réplicants contre Tyrell. Il revient à ce thème dans Prometheus et Covenant. Or, si l’androïde alors interprété par Rutger Hauer se montre plus humain que les humains, le David de Michael Fassbender les surpasse en tout, et notamment en durée de vie. Scott approche les 80 ans, et il lui faudrait « encore un peu de temps » pour boucler la boucle et conclure ou non sur le statut de David. Etre vivant sans âme, éternel, le véritable monstre de la saga, ou un dieu. Si vous êtes un être humain, et que vous croyez en quelque chose au-delà de nous, alors vous vous êtes déjà posé les mêmes questions que Shaw/Scott : qu’est-ce que c’est que ce Dieu qui nous donne la vie et nous la fait aussi brève et douloureuse ? Un monstre ? La réponse ne sera pas dans le prochain Alien, vous l’aurez à la fin de votre film personnel, après votre dernier repas.