Adaptée d’un roman de Philip K. Dick, une série nous emmène dans une réalité où les nazis ont gagné la guerre.
En 1962, Joe, un jeune américain plein de fougue s’engage dans la résistance. Les Allemands ont gagné la Seconde Guerre mondiale et se sont partagés les Etats-Unis avec l’Empire japonais, laissant une zone neutre entre l’est et l’ouest. Juliana vit dans les Etats-Pacifiques, contrôlés par les Nippons. Elle pratique l’aïkido dont la « beauté » n’a rien à voir avec les horreurs perpétrées par les troupes d’occupation. Sa sœur, prise dans un micmac mortel, lui remet une bobine avant d’être tuée. Dans ces films, on voit notre réalité : le débarquement, Churchill, la victoire, la pax americana et tout ça. Il paraît, de quoi déstabiliser le Reich. Joe tombe amoureux de Juliana, mais Joe est un collabo. En plus, les protagonistes vivent dans une uchronie, alors rien ne peut se passer comme prévu.
L’uchronie est un sous-genre de la science-fiction. Ce serait même son genre majeur si on veut bien considérer Star Wars comme son mode mineur, adolescent. Pourtant le levier de ces histoires tient sur les doigts d’une comptine d’enfant : « et si on faisait comme si les Alliés avaient perdu ». Ce « si » c’est l’écrivain Philip K. Dick (auteur maintes fois adapté au cinéma avec Blade Runner, Total Recall, Minority Report, etc.) qui le formule et le développe en 1962 dans son roman « Le Maître du Haut Château ». Pour Amazon, le showrunner Frank Spotnitz transforme le mystérieux « Maître » d’écrivain en cinéaste. Alors qu’Hitler est malade, et qu’un jeune prince accède au trône de l’Empire, des complots se trament. A l’époque où il devait y avoir surf, libération sexuelle, drogues et rock’n’roll, l’Amérique occupée n’est que désolation brune. Et l’homme dans le Haut Château fabrique des images de ce qui aurait pu être, une réalité donc… uchronique. On reconnaît Dick à cet effet « poupées russes » qu’il partage avec Borgès et Christopher Nolan.
La série prend le temps de dérouler une intrigue politique complexe sans oublier l’humanité des personnages principaux. Ceux-là sont des américains contemporains : juifs, WASPS, européens, noirs, musulmans, albinos… Tous ont ce point commun, qui les différencie des personnages allemands ou nazis et japonais : ils forment le prolétariat. Nous avons trouvé beaucoup de plaisir dans le mal que se sont donné les créateurs de la série pour matérialiser ce monde parallèle aussi vrai que nature. Il en résulte un film-série intemporel. Sachant que Ridley Scott est producteur, on pourrait lui pardonner son Prometheus par cette seule séquence : on nous fait entrer dans un cinéma « fermé pour toujours », une affiche en lambeaux d’un film des Marx Brothers barrée d’un gros tag : « SÉMITES ». Rien à ajouter.
Il y a peu d’action, beaucoup de dialogues sérieux, des croix gammées, des charniers, pas d’effets spéciaux numériques visibles, pas de dragons. Et la seule référence aux années 80 c’est cette ambiance 1984 mais façon Orwell passée par le film de Michael Radford. Une série pour adultes, enfin.
The Man In The High Castle. Crée par Frank Spotnitz d’après Philip K. Dick. Interprétation : Luke Kleintank, Alexa Davalos, Rufus Sewell. Musique : Henry Jackman, Dominic Lewis. Etats-Unis, 2015. Diffusion : Amazon.