A l’orée du fantastique, « Maggie » suit la progression d’une maladie dans le corps d’une ado et, celle du jeu d’Arnold Scwharzenegger, l’acteur.
On parle beaucoup d’Antonioni et de Welles pour leur apport au cinéma moderne. Que dira-t-on de l’héritage que nous laisse Arnold Schwarznegger ? Contre toute attente, il revient, encore, mais dans un film parlant et ressentant. Maggie est une adolescente, et comme toutes les adolescentes, son corps se transforme. Manque de chance, l’Amérique décrite dans le film est le pire moment de l’histoire pour ce pire moment de la vie, puisque le monde est ravagé par une épidémie de nécro-quelque-chose. Comprendre par là, une épidémie de zombies. Mais attention, on parle de zombies dans un sens plus traditionnel, plus romerien et romherien. Arnold n’a plus la vigueur de ses 30, 40 ou 60 ans, alors ce sont des zombies lents, voraces mais lents qui lui font face parfois. Schwarzy va donc affronter le plus grand ennemi de toute sa carrière au cinéma : la lenteur. Et notre héros, autrefois barbare, soldat, agent secret, ne peut rien contre. Quelques morts-vivants, et des policiers de fait, leucocytes humains cernant puis détruisant les infectés, donnent l’occasion à Schwarzenegger d’asséner quelques rares coups (de hache) ou de s’interposer en père impuissant mais protecteur qu’il reste jusqu’au bout. La dernière fois qu’il avait affronté le mal pour sauver sa gamine (Alyssa Milano), c’était avec un fusil-mitrailleur et une tonne de grenades (Commando, 1985) – et un cigare.
Inexorablement, la maladie envahit le corps puis l’esprit de sa fille, Maggie. Arnold Schwarzeneger est alors obligé de jouer. Il joue de sa corde sensible dans des plans silencieux, ou dialogués, et surtout anormalement longs pour un comédien dont on attend qu’il contracte et décontracte tous les muscles de son corps sauf ceux de son visage. Un acteur aussi cher, et le cadreur ne filme que sa silhouette dans le noir, c’est possible ? Entendons-nous bien : Maggie n’est pas un film d’action. C’est l’histoire d’une jeune fille emportée par une maladie qui aurait pu être le VIH, ebola, ou le cancer. Mais dans une ambiance post-apocalyptique. Avec des zombies. Une faiblesse du film vient de là : hésiter entre le fantastique et le drame pure. Il y a une sorte de proportion zombie/larmes inadéquate, et il est fort possible que Maggie demande à être revu une seconde ou troisième fois avant d’accepter ses propositions.
Arnold n’est plus ce jeune ambitieux qu’il était dans les années 80. L’âge, et son entrée en politique sous l’aile républicaine a (peut-être) éveillé en lui une conscience planétaire. D’où l’autre rôle qu’il s’est donné après son dernier mandat de Gouverneur de Californie, sauver le climat via R20, un réseau de régions censées faire pression sur les gouvernements pour accélérer des prises de décisions écologiques au niveau des gouvernements. On appelle cela aussi du lobbying. Dans les faits, les associations établies comme Greenpeace y voient surtout un défilé d’entreprises polluantes payant une cotisation pour se faire reverdir le blason. On l’a vu dans ses habits d’ambassadeur de la bonne cause à Oran en 2013, à Paris en 2014. Maggie ne marque pas de tournant dans la carrière politique. Mais dans celle de l’acteur Arnold Scwharzenegger, c’est un virage spectaculaire qui méritait d’être renouvelé depuis The Last Action Hero, le méta-film de John Mc Tiernan. Le naturel chassé revient pourtant au galop : « Schwarzy » a quand même réussit à caser une scène où il fume le cigare – l’intérêt d’être aussi le producteur pour contrôler les aspects « artistiques » de l’oeuvre… Orson Welles aussi fumait le cigare, mais dans la vraie vie, comme un plaisir ou un vice, et non comme une signature visuelle à insérer dans chacun de ses films. Chaque époque a eu les icônes qu’elle méritait. En voilà une qui a été à un moment l’Amérique du Nord toute puissante, musculeuse, opulente, comme sous stéroïdes. C’était avant le 11 septembre, le massacre irakien et les grandes sécheresses californiennes. Il a joué de son image en passant de films d’action à la comédie, et vice-versa. Dans quelques mois, il va s’auto-auto-parodier dans un nouvel épisode de la saga Terminator, qui ne grandira que son compte-en-banque, ses avoirs et son aura de robot. Mais, croyez en notre expérience de l’âme humaine : un jour on érigera des statues d’Arnold et des poètes chanteront ses louanges, et des critiques de cinéma très sérieux diront de lui qu’il est plus grand mort que vivant. Un peu comme Johnny Weissmuller. Comment ça, vous ne savez pas qui est « Johnny Weissmuller » ?
Maggie de Henry Hobson. Scénario : John Scott 3. Interprétation : Arnold Schwarznegger, Abigail Breislin, Joely Richardson. Photographie : Lukas Ettlin. Musique : David Wingo. Etat-Unis, 2014. Sortie française : 27 mai 2015.