Houellebecq frôle la vie avec Delépine et Kervern
On 9 septembre 2014 by rachidouadahComme prévu, l’écrivain erre pendant une heure et demi en short dans la nature et dans un questionnement existentiel non dénué d’humour et de poésie.
C’est avec beaucoup de respect et tendresse que le public de l’Etrange Festival a accueilli les deux réalisateurs Benoît Delépine et Gustave Kerven pour la projection de Near Death Experience le 8 septembre dernier. Après tout, ils sont vieux, pas très loin de mourir, et ce sont les derniers représentants de l’esprit Canal+ originel dont il ne reste plus qu’une crème chantilly de marque distributeur. Depuis six longs-métrages maintenant, ils sont passés d’humoristes transgressifs et faussement franchouillards au statut d’auteurs et réalisateurs respectables. Après Depardieu, c’est une autre divinité des arts qui est descendu à eux : Michel Houellebecq. Il joue, vraiment et bien, le rôle d’un père de famille sous le coup d’un burn-out. Le suicide le guette tandis qu’il pédale puis erre en short cycliste dans une Provence verdoyante. Le vendredi 13 et un cubis de rosé servant de prétexte à cet exil nietzschéen ni chat. Il faut se farcir l’écrivain, seul, pendant une heure et demi et ce n’est pas toujours une partie de plaisir de voir cette tronche de vieille dame enchaîner les cigarettes comme si elle voulait accélérer la mort. Mais c’est quoi son problème à ce mec ? Ha oui, l’endorphine et la connerie des gens, nous dit-il. Et puis son prédateur, qu’il n’arrive pas à se représenter, un cancer des poumons. Hé bien qu’il fasse du sport, et une thérapie comportementale. Ou qu’il écrive des livres, paraît que ça fait du bien. Car de burn-out il n’y en a pas vraiment. Le personnage est comme ça. C’est celui, désespéré, d’Extension du domaine de la lutte adapté au cinéma par Phillipe Harel en 1999.
Plus moche la vie
Mais Near Death Experience n’est pas une adaptation. Il reste cependant très imprégné de la personnalité de l’écrivain, ou du moins d’une facette qu’on lui imagine, un mélange entre ses personnages et lui. Les partis-pris visuels ne sont pas inintéressants (image granuleuse parfois, éclairage naturel, absence des visages des autres acteurs) malgré l’annonce drolatique des auteurs au Forum des Images au sujet de leur caméra « trouvée sur le Bon Coin » pour cause de budget et pour produire une image vidéo « crade, capable de faire de la couleur en noir et blanc« . Il n’en est trop rien en vérité. Nous soupçonnons même l’usage d’un drone dans deux scènes. Les fans du duo et de l’écrivain apprécieront ce film où leur idole les illuminera encore de ses fulgurances, telle cette comparaison qu’il ose entre l’équipement encombrant des astronautes pour survivre dans l’espace, et le corps humain qui ne serait qu’une combinaison pour survivre sur Terre. Qu’ils n’oublient pas que ces mots sont de Kervern et Delépine qui signent là aussi un bel audio-livre. Les autres risquent de trouver le temps un peu long, et seraient pressés, comme le héros, d’en finir.
Near Death Experience, de Benoît Delépine et Gustave Kerven. Int. : Michel Houellebecq, Marius Bertram, Manon Chancé. Photographie : Hugues Poulain . France, 2014. Sortie le 10 septembre.