Une évidence « qui s’impose à l’esprit »

Pour les plus âgés, ça dépend des programmes, du contexte. En général, éloignez-les de l’écran, tous. C’est grosso-modo ce que préconise le CSA sur sa page consacrée au sujet. C’est aussi ce que disait en 1995 dans son court expérimental Evidence (« La preuve », ou plutôt se référer à l’étymologie du mot) Godfrey Reggio, réalisateur de la trilogie Qatsi et éphémère directeur de La Fabrica, laboratoire d’idées de Benetton crée en 1993. Le documentariste américain se contente de montrer pendant 8 minutes les visages d’enfants de 4 à 7 ans face à un téléviseur. Des enfants aux airs de « drogués, attardés, comme des patients d’un hôpital psychiatrique« . Des mots violents à la mesure de ce qui se joue sur le visage de ces mômes, alors qu’ils ne font que visionner un Disney, en l’occurence Dumbo l’éléphant (en Anglais « dumb » signifie « stupide »). Cela pourrait illustrer la puissance de la dramaturgie, le pouvoir de l’émotion, mais avec la musique lancinante et tragique de Philip Glass, c’est plutôt une dénonciation. Que se passe-t-il exactement dans la tête de ces « enfants de la télé » pendant qu’ils la regardent ?

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En 2014, le téléviseur n’est plus cette boite imparfaite et laide, encombrante, placée dans un coin de l’appartement en lieu et place du mythique « foyer ». C’est un écran plat géant en ultra-haute définition accroché au mur comme un tableau de maître, et il s’est cloné en une multitude de canaux, d’appareils (ordinateur, mobile, tablette), multipliant son pouvoir hypnotique et les occasions de nous soumettre à lui, adultes et enfants. Pas de quoi paniquer pour autant sur le devenir psychique de nos chères têtes blondes, brunes, noires, rousses, à cheveux lisses, bouclés ou crépus. Après tout, vous qui lisez ces lignes, vous êtes forcément un de ces « enfants de la télé ». Vous pouvez constater sur vous-mêmes qu’une exposition précoce au téléviseur, que ce fut devant Ken le Survivant, Mac Gyver, Le Miel et les Abeilles, Beverly HillsPerdu de vue, le 20h, ou Loft Story, a au contraire aidé à faire de vous un individu parfaitement équilibré. Mieux encore, on constate tous les jours dans nos vies sociales que la télévision n’a bien sûr aucun effet sur le contenu de nos conversations et nos comportements quotidiens, sur la cohésion de l’ensemble de la société. La télévision est comme l’enfant : pure innocence. C’est une évidence.

Evidence, court-métrage de Godrefey Redgio, musique de Philip Glass. Italie/Etats-Unis, 1995.


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