Bob Marley, « prophète social » et marque déposée

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Bob Marley a disparu en 1981. Mais ses héritiers pourraient bien le tuer une seconde fois, à coups de casques.

Non, Bob Marley n’est pas qu’une figurine de t-shirt ou un poster accroché dans des bars rétros. Le documentaire dont voici la bande-annonce raconte ce qu’étaient l’homme et le musicien. Un projet commencé en 2008, et qui est passé des mains de Martin Scorsese à celles de Johnathan Demme (Le silence des agneaux). Après des divergences artistiques assez nombreuses pour que ce dernier abandonne le projet en cours de montage, le producteur Steve Bing (accessoirement auteur de Kangourou Jack, et de Portés disparus avec Chuck Norris) confie le bébé à Kevin Mcdonald. Ce documentariste oscarisé en 2000 pour Un jour en septembre, a été révélé au grand public via son long-métrage de fiction Le dernier roi d’Ecosse.

Chacun jugera de la qualité du contenu par lui-même, même si au premier abord Marley semble destiné à un public de fans, pour ne pas dire d’idolatres. Il reste difficile de nier l’intérêt que représentent des images inédites de Marley ainsi que les témoignages de ses contemporains tels Lee Scratch Perry, des survivants des Wailers ainsi que d’autres gens qui l’ont connus en dehors de sessions de tchat sur Facebook. Comme  l’annonce le trailer en s’illustrant sans risque de tubes usés, cette biographie va explorer des lieux communs : son métissage, son combat pour l’égalité et la fraternité entre les races (qui n’existent pas selon la morale franco-française), son engagement politique, et sa musique bien sûr.

Marley (le doc), ne devrait pas trop s’attarder sur l’engagement anti-capitaliste de l’auteur-interprète de Rat Race. Car ce n’est pas un hasard si ce documentaire sort cette semaine. Depuis quelques jours maintenant, une grande enseigne de distribution qui se disait « agitatrice depuis 1954 », propose à la vente exclusive une série de produits aux couleurs et aux sons de Bob Marley. Marley (la marque) promet « le meilleur de la technologie » pour « satisfaire votre âme » (Satisfy your soul). L’entreprise familiale menée par Rohan Marley, a baptisé chaque gamme avec le nom d’une chanson du père, à peu près les mêmes qui ornent la bande-annonce du film, histoire de maximiser l’impact sur les cerveaux disponibles de cette pub de 2 heures. Pour 30 à 300 euros le consommateur peut afficher sur ses oreilles les valeurs de Bob au lieu de celles de Dr Dre ou David Guetta qui ont signé pour le même genre de deal, des casques génériques logotypés. Et pour rester dans les « valeurs » et la tendance, ces produits dont le moindre composant vient du sous-sol richissime de ces pays que du vivant de Bob on appelait encore « le tiers-monde », promettent qu’ils sont éco-responsables et caritatifs.

Cette proposition de soulager sa conscience par un acte de consommation est assez incohérente, voire carrément malsaine. Tout comme celle de proposer le pseudo fin du fin de la technologie audio en revendiquant une culture composée avec les moyens dérisoires qui caractérisent le courant aujourd’hui appelé « ghetto pop ». Il manque une gamme à la marque Marley, la « Redemption song », celle qui comme dans la chanson éponyme inciterait le consommateur à « s’émanciper de l’esclavage mental ».

Bonus vidéo : autres héritiers légitimes de Bob Marley, Karl Zéro & The Wailers interprètent « Salade de fruits ».


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